La possibilité qu'un mineur ait pu être exploité doit être soupesée par les juges appelés à se prononcer dans des causes de possession de matériel pornographique pour usage personnel, a tranché vendredi la Cour suprême du Canada dans un jugement unanime.

À la lumière de cette clarification, le plus haut tribunal au pays ordonne la tenue d'un nouveau procès pour deux Albertains qui avaient filmé et participé à des vidéos montrant des actes sexuels avec deux jeunes fugueuses âgées de 14 ans qui avaient trouvé refuge chez l'un d'entre eux.

Les hommes, Donny Barabash et Shane Rollison, respectivement âgés de 60 et 41 ans au moment des événements, avaient été acquittés par un tribunal de première instance, lequel avait déterminé que les gestes étaient consensuels et destinés à un usage personnel.

Ce jugement avait été infirmé par la Cour d'appel de l'Alberta, mais comme les juges différaient d'opinion, l'affaire s'est finalement retrouvée devant le plus haut tribunal au pays.

La Cour suprême a déterminé vendredi que le juge de première instance a erré en omettant de se pencher sur la nature de la relation entre les parties - à savoir, donc, si les mineures avaient été exploitées même si, à l'époque, l'âge du consentement sexuel était de 14 ans.

Il «n'a pas considéré la différence d'âge à la lumière d'autres aspects de la relation, tels l'impact des dépendances des adolescentes, leur besoin d'un toit ou leurs expériences passées et actuelles de vagabondage et de prostitution», écrit la juge Andromache Karakatsanis.

«En bref, il a omis d'examiner les éléments en cause à la lumière du contexte global ou de la question de savoir si, cumulativement, ces éléments donnaient lieu à une relation d'exploitation», poursuit-elle au nom de ses collègues.

Le plus haut tribunal devait clarifier si l'exception relative à l'usage personnel confirmée dans la décision Sharpe, un jugement controversé qu'il avait rendu en 2001, s'appliquait dans leur cas.

L'exception Sharpe autorise la possession de matériel pornographique juvénile à trois conditions: qu'il s'agisse d'une activité sexuelle légale, qu'il y ait consentement et que le tout demeure pour usage strictement personnel.

Elle offre un moyen de défense opposable à une accusation de production ou de possession de pornographie juvénile, rappelle-t-on dans le texte du jugement de vendredi.

En somme, la Cour suprême n'amende pas cette exception dans son jugement; elle resserre en quelque sorte son interprétation, car «l'exploitation est déjà prise en compte dans l'analyse de la légalité de l'activité sexuelle», précise la juge Karakatsanis.

L'histoire au coeur du jugement rendu vendredi remonte à 2008.

Les deux adolescentes au passé trouble - dépendance aux drogues, criminalité, problèmes familiaux - s'étaient enfuies d'un centre de traitement de High Prairie, en Alberta, et avaient trouvé refuge chez Donny Barabash, qui était connu de l'une des jeunes.

Celle-ci avait décrit l'endroit comme une «fumerie de crack» où se tramaient des transactions de drogue lors du procès.

C'est dans cette demeure que le sexagénaire avait tourné et participé à des vidéos dans lesquels on voyait les adolescentes participer à des actes sexuels. Son ami Shane Rollison était aussi de la partie.

Les policiers avaient découvert le pot aux roses après qu'une photo de deux jeunes femmes, dont l'une avait les seins nus, eut été publiée sur un site de réseautage social.

Ils étaient tombés sur l'ensemble des photos et des vidéos lors d'une perquisition à la résidence de Donny Barabash.