Les détenus sont gardés de plus en plus longtemps dans les pénitenciers fédéraux, ce qui coûte plus cher, nuit à leur réinsertion sociale et peut mettre la sécurité du public en danger, a conclu le vérificateur général du Canada dans un rapport rendu public mardi.

Michael Ferguson et son équipe ont analysé le système des libérations anticipées des 14 550 détenus masculins dans les pénitenciers canadiens. Ces libérations avant la fin d'une peine sont importantes, a-t-il noté, puisqu'elles aident entre autres le délinquant à s'adapter graduellement à la vie en société.

Or, au cours de l'année 2013-2014, Service correctionnel Canada (SCC) a recommandé moins souvent cette mise en liberté anticipée, «et ce, même pour les délinquants qui présentaient un faible risque de récidive», peut-on lire dans le rapport.

Cette recommandation est importante puisque dans la très grande majorité des cas, la Commission des libérations conditionnelles n'accordera pas cette libération anticipée (semi-liberté ou libération conditionnelle totale) sans une recommandation de SCC.

Pourtant, « plus les délinquants disposent de temps pour faire un retour graduel dans la collectivité sous la surveillance du SCC avant la fin de leur peine, plus leurs chances de réussir leur réinsertion sociale augmentent », a noté le vérificateur.

«Les longues périodes d'incarcération engendrent aussi des coûts considérables, étant donné qu'il coûte trois fois plus cher de détenir un délinquant sous garde que de le surveiller dans la collectivité.»

De plus en plus de délinquants sont donc mis en liberté pour la première fois à leur date de libération d'office, soit après avoir purgé les deux tiers de leur peine. C'est le cas pour les délinquants à faible risque, mais aussi pour ceux à risque moyen et même maximal.

«La majorité des délinquants (54 %) avaient été mis en liberté pour la première fois à leur date de libération d'office. La plupart de ces délinquants sont passés directement d'un établissement correctionnel à sécurité moyenne ou maximale à la collectivité, limitant ainsi leur capacité de profiter des avantages d'une mise en liberté graduelle et sous surveillance qui favorise la réinsertion sociale en toute sécurité », a écrit le vérificateur général.

Une telle pratique comporte des risques réels pour la sécurité du public canadien, a-t-il souligné :

«Les données du SCC indiquent que le taux de récidive avec violence avant l'expiration de la peine est généralement plus élevé chez les délinquants libérés d'office que chez ceux libérés sous condition à une date antérieure».

La situation a aussi un impact financier important pour les contribuables. «Nous avons constaté que la diminution du taux de mise en liberté avait contribué à des problèmes de capacité dans les établissements et avait fait augmenter les coûts d'incarcération», a d'abord noté Michael Ferguson.

«Bien que le taux de criminalité ait diminué et que le nombre de nouvelles admissions dans les établissements fédéraux n'ait pas augmenté, le nombre total de délinquants de sexe masculin a augmenté de 6 %», a-t-il ajouté.

Ainsi, depuis mars 2011, lorsque l'examen a commencé, «les coûts d'incarcération ont augmenté de 91 millions de dollars pour le SCC en raison de l'augmentation du nombre de délinquants incarcérés». 

«Il aurait été possible de réduire d'environ 26 millions de dollars les coûts liés à l'incarcération au cours de l'exercice 2013-2014 si les délinquants à faible risque détenus dans un établissement à sécurité minimale avaient été préparés à la libération conditionnelle à leur première date d'admissibilité et mis en liberté à cette date». 

Le rapport recommande à SCC d'étudier les raisons de cette augmentation et les risques associés à la situation actuelle. SCC a indiqué qu'elle se livrerait à l'exercice d'ici la fin de l'année.

Le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney, a réagi au rapport en affirmant que «des initiatives sont en cours au SCC pour répondre aux questions soulevées par le vérificateur général».

«Le Service correctionnel du Canada assure la sécurité publique des Canadiens, a déclaré le ministre Blaney. Il contribue à la réalisation de cette importante priorité en incitant activement et en aidant les contrevenants sous responsabilité fédérale dans leurs efforts en vue de leur réinsertion sociale dans les établissements et dans la collectivité afin qu'ils deviennent des citoyens respectueux des lois.»

Le chef du Bloc québécois, Mario Beaulieu, a quant à lui dénoncé l'approche du gouvernement Harper dans le domaine. «Les critiques du vérificateur général démontrent que l'approche axée sur la coercition et la répression du gouvernement Harper est inefficace et coûteuse», a-t-il dit.

«C'est aux antipodes du modèle québécois, qui est plus axé sur la prévention, la réinsertion sociale, et le Québec est l'un des endroits où le taux de criminalité est parmi les plus faibles des provinces canadiennes.»

Principaux points du rapport du VG

- L'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada devraient faire plus pour mitiger le risque posé par la résistance aux antimicrobiens - l'émergence et la prolifération d'infections résistantes aux médicaments, en raison de la mauvaise utilisation d'antibiotiques.

- Plusieurs crédits d'impôt, comme celui visant à stimuler l'activité chez les enfants, n'ont pas fait l'objet d'une évaluation assez approfondie et ne sont pas sujets à une surveillance adéquate du Parlement. Le coût à long terme au Trésor public n'est pas connu.

- Santé Canada n'est pas en mesure de déterminer si tous les membres des Premières Nations dans des communautés éloignées au Manitoba et en Ontario ont un accès suffisant à des soins médicaux et au transport médical.

- Seulement une infirmière sur 45, choisies au hasard dans les communautés des Premières Nations, avait complété les cinq cours de formation obligatoires.

- Les postes de soins infirmiers dans ces communauté ne respectent pas tous les règlements de santé et de sécurité ni les codes du bâtiment. Dans un cas, la résidence d'un poste de soins infirmiers était inutilisable depuis plus de deux ans en raison d'un système sanitaire défectueux.

- L'Agence des services frontaliers du Canada ne gère pas adéquatement ses projets sur les technologies de l'information, et beaucoup n'ont pas été effectués adéquatement, n'avaient pas de critères clairs ni de bénéfices mesurables.

- Les contrevenants à faible risque sont libérés plus tardivement mais ils sont supervisés dans la communauté moins longtemps car les services correctionnels recommandent moins fréquemment une libération hâtive. Plus de 80 pour cent des détenus demeurent derrière les barreaux après leur première date d'admissibilité à la libération conditionnelle, alors que de plus en plus de prisonniers d'établissements carcéraux à moyenne et haute sécurité sont directement remis en liberté.

- Entre 2009 et 2013, le bureau de l'ombudsman du ministère de la Défense était mal géré et mal surveillé. L'ancien ombudsman Pierre Daigle approuvait régulièrement ses propres comptes de dépenses et ignorait les règles sur l'octroi de contrats.

- Avec La Presse Canadienne