La Cour suprême du Canada a invalidé mardi deux peines minimales obligatoires imposées par le gouvernement Harper en 2008, les jugeant inconstitutionnelles, parfois «draconiennes» et remettant même en question leur efficacité pour dissuader les délinquants de commettre des crimes.

Dans un jugement à six juges contre trois, la Cour a tranché que les peines minimales de trois et cinq ans pour des crimes relatifs à la possession d'une arme à feu pouvaient représenter des peines cruelles et inusitées et contrevenir à la Charte canadienne des droits et libertés.

Il s'agit d'un coup dur pour la réforme de la «loi et l'ordre» entreprise par Stephen Harper. Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, plusieurs des projets de loi présentés par son gouvernement prévoyaient de telles peines.

«La preuve empirique indique que, dans les faits, les peines minimales ne sont pas dissuasives», a écrit la juge en chef Beverley McLachlin au nom des six juges majoritaires.

«Cinq ans d'emprisonnement constitueraient une peine draconienne, une peine qui dépasse largement ce qu'[exige] la protection du public», a ajouté la juge McLachlin.

La Cour se penchait sur deux appels dans les causes ontariennes Nur et Charles, qui ont contesté la constitutionnalité des peines minimales de trois (première infraction) et cinq ans (récidive) pour des infractions de possession prohibée ou restreinte, chargée ou avec des munitions à proximité.

Ottawa a modifié l'article en question, l'article 95 du Code criminel du Canada, en 2008 dans le cadre d'un projet de loi omnibus de durcissement de la justice criminelle. La peine minimale contenue à cet article était d'un an depuis 1998.

Hussein Nur et Sidney Charles, qui ont été arrêtés avec des armes prohibées, ont plaidé coupables à l'infraction prévue à l'article 95 du Code criminel, mais ils ont contesté le principe de la peine minimale disant qu'elle était disproportionnée et inconstitutionnelle.   

Le juge Moldaver a rédigé les motifs des trois juges dissidents: «L'article 95 représente la solution que le législateur a apportée après mûre réflexion au problème urgent que constituent dans nos collectivités les crimes violents perpétrés avec des armes à feu», a-t-il écrit.

«Je ne vois aucune raison de remettre en question cette mesure législative sur le fondement d'hypothèses qui ne s'appuient ni sur l'expérience ni sur le bon sens.»

Ce n'est pas la première fois que la Cour suprême invalide des pans de la réforme du droit criminel du gouvernement Harper. Il y a un an, elle s'est inscrite en faux contre la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime, adoptée par le gouvernement fédéral en 2010. Cette loi abolissait le principe selon lequel le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence était compté en double dans le calcul total de la sentence.

Deux semaines plus tôt, la Cour avait maintenu l'inconstitutionnalité de la libération au sixième de la peine, une mesure adoptée dans la foulée de scandales financiers comme celui d'Earl Jones.

Ces dossiers s'ajoutent à d'autres revers du gouvernement Harper devant le plus haut tribunal du pays, dont ceux dans le dossier de la réforme du Sénat et celui de la nomination du juge Marc Nadon.

Le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, a réagi par voie de communiqué et a fait peu de commentaires : « Nous examinons la décision rendue aujourd'hui par la Cour suprême du Canada afin de déterminer ses incidences. Nous cherchons aussi à déterminer  les mesures les plus adéquates à adopter pour protéger les Canadiens contre les crimes commis au moyen d'armes à feu et pour veiller à ce que nos lois puissent répondre efficacement à ce type de menace ».