La Cour suprême du Canada a rendu jeudi un jugement qui permettra à un homme faussement accusé de poursuivre la police et la Couronne après avoir été emprisonné pendant trois décennies.

Le plus haut tribunal du pays a refusé d'entendre un appel visant à bloquer la poursuite de plusieurs millions de dollars intentée par Roméo Phillion. La Cour suprême n'a pas fourni de motifs pour sa décision, comme c'est toujours le cas pour les demandes d'autorisation d'appel qui lui sont présentées.

La poursuite de M. Phillion avait initialement été rejetée par un tribunal inférieur. La Cour d'appel de l'Ontario avait ensuite permis qu'elle procède.

M. Phillion, aujourd'hui âgé de plus de 70 ans, avait été reconnu coupable, en 1972, du meurtre non prémédité du pompier d'Ottawa Léopold Roy, sur la base d'aveux sur lesquels il était revenu presque immédiatement.

Dans sa cause criminelle, la Cour d'appel de l'Ontario avait annulé sa condamnation et ordonné la tenue d'un nouveau procès en 2009. La Couronne avait alors retiré l'accusation, jugeant que trop de temps s'était écoulé.

La Cour d'appel avait alors justifié son jugement par la découverte que la police avait initialement confirmé un alibi pour M. Phillion sans jamais en informer la défense, supposément parce que les enquêteurs avaient écarté subséquemment cet alibi. La Cour avait souligné que les enquêteurs avaient conclu, à un certain stade de l'enquête, que M. Phillion ne pouvait avoir tué le pompier, car il était à ce moment très loin de la scène du crime.

L'homme a ensuite intenté une poursuite de 14 millions, plaidant la négligence et des fautes de la part des procureurs et de deux policiers d'Ottawa.

En avril 2013, une juge de la Cour supérieure de l'Ontario avait qualifié la poursuite civile de M. Phillion d'abus de procédure, puisque la Cour d'appel avait déterminé que la police et la Couronne n'avaient rien à se reprocher et que trop de temps s'était écoulé pour revenir sur ses allégations.

La Cour d'appel avait par la suite infirmé ce jugement.

«Cela déconsidèrerait encore plus l'administration de la justice de déclarer un sursis dans ces circonstances et de priver l'appelant de toute opportunité d'obtenir une compensation financière pour sa condamnation lorsqu'il n'a pas eu l'occasion de présenter une pleine défense lors de son procès», avait déclaré la Cour d'appel.

M. Phillion a été le détenu ayant servi la plus longue peine au Canada avant de voir sa condamnation pour meurtre être renversée.

Il a toujours refusé de demander une libération conditionnelle, car il était d'avis que cela serait perçu comme un aveu d'avoir tué Léopold Roy.