Le propriétaire d'un immeuble de la rue Querbes poursuivi par son ancien locataire pour outrage au tribunal a plaidé non coupable, aujourd'hui, devant la Cour supérieure.

Kujtim Canaj, qui fait l'objet de cette procédure d'exception, n'a pas souhaité faire de commentaires aux médias. Les deux parties se retrouveront devant la Cour le 18 février.

La Régie du logement avait ordonné à M. Canaj d'effectuer des travaux dans un logement et de le relouer à son locataire, Tejinder Singh, à l'issue des travaux. Or, M. Canaj a loué le logement - plus cher - à un autre locataire.

M. Singh, père de famille d'origine indienne réfugié au Canada, se retrouve donc prisonnier d'un nouvel appartement insalubre alors que sa femme et l'une de ses filles souffrent de graves problèmes d'asthme causés par les moisissures.

«Tout ce que je veux, dit M. Singh, c'est retrouver mon ancien logement.»

Kujtim Canaj a également omis de verser à son ancien locataire une somme de plus de 3000$ que la Régie du logement lui avait ordonné de verser en guise de compensation pour les préjudices subis par sa famille dans ce logement contaminé par les moisissures.

La peine maximale pour outrage au tribunal est d'un an de prison. Mais Kujtim Canaj pourrait plus probablement écoper d'une amende salée s'il est reconnu coupable.

Un cauchemar sans fin

L'histoire de la famille de Tejinder Singh, que La Presse avait rendue publique en 2013, est celle d'un cauchemar qui ne finit pas. En 2011, la famille arrive au Canada et se retrouve dans un logement au 7905, avenue Querbes, un immeuble de 20 logements appartenant à Kujtim Canaj.

Après six mois, M. Singh se rend au comité logement de son quartier pour avoir de l'aide. Son appartement est rongé par les moisissures. Des plaques de peinture s'écaillent, les plafonds menacent de s'écrouler. Sa femme, alors enceinte, commence à éprouver des problèmes respiratoires. «Parfois, la nuit, j'avais peur d'arrêter de respirer», raconte Sarvjit Kaur.

Des démarches s'enclenchent et la Régie du logement finit par statuer: le propriétaire doit effectuer des travaux majeurs, et à l'issue de ceux-ci, relouer le logement à M. Singh. En juin 2013, à cause de l'état déplorable du logement, la Ville de Montréal ordonne l'évacuation de la famille Singh.

Comme ceux-ci ne sont pas résidents permanents au pays, ils n'ont pas droit au programme de HLM d'urgence. Ils migrent donc vers un autre logement... également contaminé par les moisissures, infesté de punaises et situé au troisième étage d'un immeuble.

Affectée de graves problèmes respiratoires, pour lesquels elle est suivie par un médecin, Mme Kaur a du mal à monter toutes ces marches. «C'est très dur pour moi», témoigne-t-elle.

La Maison bleue, organisme communautaire de santé où on suit le cas de la famille, a d'ailleurs acheminé le dossier à la Direction de la santé publique à cause de «l'état d'insalubrité inquiétant» de l'actuel logement des Singh.

Appartement reloué

Kujtim Canaj finit par effectuer les travaux dans son immeuble, pour lequel il recevra d'ailleurs une généreuse subvention de la Ville de Montréal, révélait TVA il y a un an. Les sommes en cause pourraient atteindre 130 000$.

En novembre, Tejinder Singh reçoit une lettre de son ancien propriétaire qui lui annonce que le bail de son ancien logement est résilié. C'est ce qui décide M. Singh à entreprendre des procédures judiciaires contre son ancien propriétaire. «Le propriétaire ne veut pas obéir au juge. Il n'avait pas le droit de relouer!», dit M. Singh.

Car en juillet, le logement avait été loué à un nouveau locataire.

«L'histoire de Tejinder Singh est un condensé de la lutte contre l'insalubrité des logements. Son combat est celui de nombreux locataires du quartier», dit André Trépanier, du comité d'action de Parc-Extension, qui a épaulé l'homme depuis le début.

«C'est un monsieur qui n'a pas les moyens de se défendre. Mais il a le soutien de sa communauté d'origine, et aussi de nous, sa communauté d'accueil, parce qu'il a vraiment sa famille à coeur», dit Anne Van Den Boschelle, travailleuse sociale à la Maison bleue.

Au 7905, avenue Querbes, à la suite des travaux effectués par Kujtim Canaj, la situation s'est beaucoup améliorée, affirme un locataire actuel de l'immeuble.

«Les salles de bains ont été refaites, les balcons aussi. C'est beaucoup mieux. Mais nous avons encore un énorme problème de coquerelles... Elles sont là en plein jour! Ils sont venus traiter il y a trois jours, mais ça n'a rien donné», indique ce locataire, qui a tenu à conserver l'anonymat.

André Trépanier affirme que le service d'inspection de la ville centre, qui intervient pourtant dans ce dossier depuis deux ans, n'a jamais dressé le moindre constat d'infraction à l'endroit de M. Canaj. Le service d'inspection de l'arrondissement avait imposé des constats d'infraction à M. Canaj pour la somme de 3733$.