La protection de la jeunesse de Montérégie doit cesser de «léser les droits» d'enfants fragiles en violant les ordonnances rendues pour les protéger, l'ont vertement averti des juges de la Cour de la jeunesse.

Au cours des derniers mois, deux juges ont dénoncé dans leurs jugements la tendance de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) locale à faire fi de leurs décisions.

Fait inhabituel, ils ont même envoyé des huissiers dans le bureau personnel de la grande patronne du service afin qu'une copie de chaque jugement lui soit remise en mains propres.

Au centre des deux affaires: la liberté qu'a prise la DPJ dans l'application de décisions judiciaires pourtant claires.

Dans un cas, la DPJ a décidé de mettre fin à l'intervention d'un éducateur en milieu familial ordonnée par un juge trois mois plus tôt afin de faciliter l'intégration d'une jeune fille fragile. Dans l'autre, la DPJ avait omis de réunir une fratrie d'enfants dans une seule et même famille d'accueil, contrevenant ainsi à une décision de justice.

La DPJ se défend, mais dit prendre la situation au sérieux. Les avocats des enfants pris en charge dénoncent un problème systématique de non-respect des ordonnances de justice en Montérégie.

«L'ignorance de la loi et d'un principe aussi basique en matière d'exécution d'ordonnance [...] ne peut constituer une justification», a écrit le juge Mario Gervais il y a quelques semaines, en rappelant que ses collègues ont rendu d'autres décisions comportant souvent «des commentaires sévères, incluant des blâmes à son égard».

«La Directrice a délibérément fait abstraction de l'ordonnance judiciaire», a pour sa part tranché la juge Lyne Morin, toujours en Montérégie. «Doit-on rappeler que la Directrice ne peut se substituer à l'autorité judiciaire?» Outre la patronne de la DPJ, la juge Morin a aussi fait envoyer une copie de son jugement à la Commission des droits de la personne afin qu'elle lise les «commentaires sévères qu'il comporte».

La situation prise au sérieux

La Directrice de la protection de la jeunesse de la Montérégie se défend bien de violer à répétition des ordonnances de justice. «Pour moi, c'est très très clair que le jugement constitue ce que l'on doit faire et remplir comme mandat, a expliqué Maryse Davreux. Ce que j'exige des intervenants, c'est vraiment qu'ils répondent aux demandes [des juges].»

Elle a dit prendre la situation «tout à fait» au sérieux.

Mme Davreux a ajouté que la réalité avait parfois empêché l'application à la lettre des ordonnances de juges, mais que les jeunes touchés ont continué à faire l'objet d'une attention continue de ses services.

Un problème fréquent

De leur côté, les avocats montérégiens qui défendent les enfants pris en charge par la DPJ dénoncent la liberté que prend le service dans son application des décisions rendues pour protéger les jeunes.

«Ça arrive assez régulièrement que [la DPJ] interprète les ordonnances, par souci d'économie parfois, parce qu'on n'a pas les ressources ou parce qu'on n'est pas nécessairement d'accord avec l'ordonnance», a expliqué Me Carole Gladu, à la tête de l'équipe d'aide juridique à Longueuil.

«Ce n'est pas tout le monde - et je ne veux pas généraliser -, mais il y a effectivement des intervenants qui vont dire qu'ils savent mieux que les juges ce dont le jeune a besoin.»