Un juge ontarien a défendu les droits d'une famille autochtone qui a retiré sa fille d'un traitement en chimiothérapie contre le cancer pour privilégier un traitement traditionnel, une décision qualifiée d'historique par certains.

L'hôpital pour enfants McMaster de Brantford, à l'ouest de Hamilton, qui soignait une jeune fille issue d'une communauté des Premières Nations, a demandé aux services sociaux d'appréhender la petite pour qu'elle poursuive un traitement de chimiothérapie après que sa mère l'eut retirée du traitement.

La requête a toutefois été rejetée par le juge Gethin Edward.

La fille, dont l'identité est protégée, recevait de la chimiothérapie jusqu'à ce que sa mère, en septembre, l'emmène en Floride pour suivre une thérapie alternative qui prône des traitements végétaux et un changement des habitudes de vie.

L'hôpital a alors demandé aux services sociaux d'intervenir pour assurer que la petite continue de suivre le traitement de l'hôpital. L'agence a refusé.

La famille et la fille n'étaient pas dans la salle du tribunal vendredi, mais la décision a été saluée par la chef de la réserve Six Nations, d'où vient l'enfant.

«Je ne pense pas qu'on risque la vie de nos enfants. Sa mère l'aime plus que tout, a déclaré la chef Ava Hill. Nous avons toujours pratiqué la médecine traditionnelle, nous n'avons jamais arrêté, et nous continuerons de le faire, seulement de manière plus ouverte.»

La décision de la cour lance aussi le message que les communautés autochtones peuvent s'occuper d'elles-mêmes, a ajouté Mme Hill.

«Nous ne laisserons plus les gens nous prendre nos enfants», a-t-elle dit.

«L'ère des pensionnats autochtones est révolue, nous la mettons derrière nous. Maintenant, nous devons nous soigner de cette ère et nous ne laisserons plus personne d'autre prendre nos enfants.»

Un avocat représentant les services sociaux de la région, Mark Handleman, a affirmé que les droits autochtones étaient fondamentaux dans ce dossier et qu'ils devaient être reconnus.

«(Le jugement) reconnaît le droit traditionnel des gens des Premières Nations de pratiquer leur propre médecine. Deuxièmement, il rappelle aux professionnels de la santé qu'il est important de tenir compte des désirs, des valeurs et des croyances d'un patient dans des propositions ou recommandations de traitement.»

Alors que l'hôpital demandait que la petite soit appréhendée, les autorités des services sociaux jugeaient qu'elle n'avait pas besoin de protection, mais d'une décision sur son traitement, a fait valoir Me Handleman.

Hamilton Health Sciences, qui dirige l'hôpital pour enfants McMaster, a parlé d'un cas «difficile pour toutes les parties impliquées», soulignant que l'établissement de santé voulait simplement aider la fillette.

«Nous avons toujours appuyé la démarche de la famille d'utiliser des soins traditionnels autochtones, conjointement avec des traitements médicaux conventionnels», a précisé l'organisation, par voie de communiqué.

En entrevue avec La Presse Canadienne, le président de l'hôpital McMaster a d'ailleurs dit souhaiter que la jeune fille revienne se faire soigner, sans quoi elle n'aurait «aucune chance de survie».

«Notre but était de donner des traitements pour sauver la vie de cet enfant. La décision de la cour n'a pas changé cela», a ajouté le docteur Peter Fitzgerald.

Le juge qui a entendu la cause a conclu que les traitements traditionnels autochtones existaient avant que les Premières Nations ne soient en contact avec les Européens et que, par conséquent, ils avaient droit à la protection spéciale au Canada.

Une experte en droit constitutionnel, Cheryl Milne, remarque que le jugement est unique et que le droit autochtone semble avoir primé sur le traitement de l'enfant.

Rappelant le cas d'une famille de Témoins de Jéhovah, dans lequel la Cour suprême avait outrepassé la décision d'un adolescent de ne pas recevoir de transfusion sanguine, elle affirme que les juges favorisent habituellement un traitement médical pour le meilleur intérêt de l'enfant.

Dans ce cas-ci, toutefois, les droits autochtones ont été «un énorme facteur», a dit Mme Milne.

«C'est différent des cas qui impliquent seulement la liberté de religion, par exemple.»