Alors que les syndicats menacent de contester devant les tribunaux le projet de loi sur les régimes de retraite et mettent en doute sa constitutionnalité, le Barreau du Québec renonce à intervenir en commission parlementaire. Les membres de sa direction sont divisés sur la pertinence de se mêler de ce dossier chaud.

Les députés membres de la commission parlementaire avaient demandé au Barreau de participer aux consultations particulières sur le projet de loi 3. Ces consultations débuteront demain.

Selon l'horaire diffusé par la commission parlementaire en juillet, le Barreau devait se présenter devant les députés vendredi. Or, l'ordre professionnel des avocats ne figure plus parmi les intervenants dans la «mise à jour» de cet horaire publiée le 11 août. Il s'est désisté, a expliqué le secrétariat de la commission hier.

Selon le bâtonnier du Québec, Me Bernard Synnott, les membres de la direction du Barreau étaient divisés sur la pertinence de commenter le projet de loi 3. Il a tranché: le Barreau n'interviendra finalement pas.

Le dossier des régimes de retraite est essentiellement politique plutôt que juridique, a plaidé Bernard Synnott. Il n'est donc pas opportun, à ses yeux, de s'en mêler. L'ordre professionnel n'a pas fait de mémoire sur le projet de loi 3, bien qu'un travail de recherche ait été entamé. Il envisagera d'intervenir devant les tribunaux, s'il devait y avoir contestation judiciaire un jour.

«Un automatisme»

Le Barreau figurait dans la liste des participants parce que «c'est un automatisme que son nom apparaisse lorsqu'il est convoqué» devant une commission parlementaire, a expliqué une porte-parole, France Bonneau.

Sous d'autres bâtonniers, le Barreau ne s'est pourtant pas gêné de donner son point de vue sur des dossiers à forte saveur politique. En octobre 2011, à quelques heures de l'ouverture d'un congrès libéral, il avait critiqué avec virulence la première formule de commission d'enquête sur l'industrie de la construction proposée par Jean Charest. Le premier ministre avait annoncé le soir même qu'il donnerait finalement des pouvoirs accrus à la juge France Charbonneau. Plus tôt cette année, le Barreau avait taillé en pièces le projet de charte des valeurs déposé par le gouvernement Marois.

Le Barreau travaille depuis des mois sur un dossier majeur auquel tient beaucoup Me Synnott pour son mandat d'un an: une réforme de sa loi constitutive. Le bâtonnier doit avoir l'appui du gouvernement Couillard pour qu'un projet de loi soit déposé bientôt, peut-être à l'automne. La ministre de la Justice et responsable des lois professionnelles, Stéphanie Vallée, a déjà beaucoup de pain sur la planche dans les prochains mois, dont la présentation très attendue d'un projet de loi sur la neutralité religieuse de l'État.

Recours judiciaire envisagé

La Coalition syndicale pour la libre négociation menace de recourir aux tribunaux si le projet de loi 3 sur les régimes de retraite des employés municipaux est adopté. La FTQ soutient que cette pièce législative est inconstitutionnelle, comme l'indiquait La Presse hier. «Plusieurs de ses mesures permettent d'annuler unilatéralement des conditions de travail, ce qui constitue manifestement des violations du droit d'association garanti par les chartes», croit la centrale. Les syndicats en ont principalement contre le partage des déficits passés à parts égales entre les municipalités et les travailleurs.

Au cabinet du ministre des Affaires municipales Pierre Moreau - lui-même avocat -, on affirme que des avis juridiques ont été obtenus et que le projet de loi est conforme à la Constitution.