Depuis 2006, il est interdit de faire pousser des légumes dans le jardin communautaire du parc Baldwin, dans le Plateau-Mont-Royal, parce que le sol y est contaminé. Le jardin est situé à l'emplacement d'une ancienne carrière de briques. Sachant cela, la Ville de Montréal aurait-elle dû conclure qu'un autre terrain situé dans le même secteur était aussi contaminé et en aviser le propriétaire?

L'entreprise de construction Axnor Développements, qui veut établir un projet de condominiums sur le terrain en question, croit que oui. Dans une requête déposée en Cour supérieure cette semaine, l'entreprise réclame 4,4 millions à la Ville (arrondissement de Ville-Marie), soit la somme nécessaire pour payer la décontamination de son terrain et les coûts associés.

En novembre 2012, Axnor Développements a acheté d'un particulier un immeuble (construit en 1934) et des terrains vacants, rue Sherbrooke Est, pour la somme de 1,7 million. Son plan: un projet comprenant une quarantaine de condominiums de luxe. Avant de conclure la vente, l'ancien propriétaire avait remis à l'entreprise de construction une étude environnementale qui ne révélait «aucune preuve de contaminants».

Or, les travaux de forage réalisés quelques mois plus tard ont révélé un tout autre portrait: le sous-sol des terrains était composé d'un «remblai contaminé». Axnor Développements a par la suite appris que le sol de la propriété voisine avait été décontaminé en partie en 2009.

Le terrain acquis par l'entreprise est situé à quelque 200 mètres du jardin communautaire du parc Baldwin. En 2006, la Direction de la santé publique de Montréal avait recommandé à l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal de fermer les jardins. Des analyses avaient détecté des concentrations de plomb trop élevées pour qu'on y fasse pousser des légumes.

Une ancienne carrière de briques en cause

En mai 2013, le Service des travaux publics de la Ville de Montréal a fourni à Axnor Développements une copie d'un plan datant de 1992 et montrant les limites d'une ancienne carrière de briques qui existait dans les années 1870. Le jardin du parc Baldwin et le terrain de l'entreprise se trouvent sur le site.

Cette ancienne carrière est-elle la cause de la contamination du sol? La Ville de Montréal aurait évoqué cette hypothèse en 2006. Grâce à la Loi sur l'accès à l'information, Axnor Développements a appris que la Ville et le ministère de l'Environnement ont avisé les utilisateurs du jardin communautaire Baldwin, en 2006, que le sol était contaminé parce que l'endroit avait servi de «dépotoirs ou d'anciennes carrières».

«Les jardins communautaires du parc Baldwin étant situés dans le même secteur que l'immeuble et étant situés dans les limites du plan datant de 1992, la Ville ne pouvait ignorer que le terrain acquis par la demanderesse était contaminé», peut-on lire dans la poursuite.

Axnor Développements accuse la Ville de Montréal d'avoir «négligé de transmettre cette information au propriétaire antérieur de l'immeuble» et d'avoir «négligé d'inscrire les lots composant l'immeuble au répertoire des terrains contaminés».

Comme le dossier se retrouvera devant les tribunaux, les deux parties ont préféré ne pas le commenter.