Un homme qui a percé des trous dans un condom à l'insu de sa conjointe dans le but de la faire tomber enceinte est coupable d'agression sexuelle, a tranché la Cour suprême du Canada vendredi.

Dans une cause de la Nouvelle-Écosse, les sept juges de la Cour qui ont entendu l'affaire ont donné raison à la Cour d'appel de la province et confirmé la culpabilité de Craig Jarret Hutchinson.

Craignant que sa conjointe ne le quitte, M. Hutchinson avait percé des trous dans plusieurs condoms avant d'avoir des relations sexuelles avec elle. Cette dernière était tombée enceinte et avait subi un avortement.

Quatre juges de la Cour suprême ont tranché que la partenaire sexuelle du coupable avait consenti à un acte sexuel, mais que la fraude commise par ce dernier avait vicié ce consentement.

«Dans les cas où la plaignante a choisi de ne pas devenir enceinte, les tromperies qui la privent du bénéfice de ce choix - soit en la rendant enceinte, soit en l'exposant à un risque accru de grossesse par l'élimination de mesures contraceptives efficaces - peuvent constituer une privation suffisamment grave pour représenter une fraude viciant le consentement suivant l'al 265(3)c) [du Code criminel]», a écrit la juge en chef Beverley MacLachlin.

Trois autres juges ont emprunté un autre raisonnement pour en arriver à la même conclusion de culpabilité. Selon eux, le moyen de contraception est une composante essentielle de l'acte sexuel et du consentement à l'activité elle-même. Ils n'ont donc pas eu à emprunter la voie de la fraude.

«La personne qui consent à une activité sexuelle avec condom ne donne pas seulement son accord à une activité sexuelle, elle convient également de la façon dont celle-ci doit se dérouler», a écrit le juge Michael Moldaver au nom de ces trois magistrats.

L'accusé avait été condamné à 18 mois de prison en première instance.

Même chose pour la pilule?

Le professeur de droit à l'Université de Calgary Chris Levy estime que la décision de la Cour suprême n'ouvre pas la porte à la condamnation pour agression sexuelle d'une femme qui aurait induit son partenaire en erreur quant à l'utilisation de moyens de contraception comme la pilule.

«Quand on a un problème de cette nature, il doit y avoir un risque de dommages physiques», a analysé le professeur à la lumière des motifs rédigés par la juge MacLachlin. Dans cette affaire, ces dommages physiques étaient ceux d'une grossesse non voulue, suivi d'un avortement.

Les motifs du juge Moldaver et de deux de ses collègues sont moins clairs à cet égard, croit cependant M. Levy.

Le professeur a par ailleurs noté que la décision du plus haut tribunal du pays est cohérente avec sa jurisprudence passée sur la question des relations sexuelles par des personnes séropositives qui ne divulguent pas leur condition à leur partenaire.

Dans deux décisions rendues en 2012, dont une qui émanait du Québec, la Cour avait tranché qu'une personne séropositive à la charge virale faible n'avait pas à divulguer sa condition à son partenaire, à la condition d'utiliser un condom.

La juge en chef MacLachlin avait appuyé sa décision sur le faible risque de contagion et de préjudice pour le partenaire en question. «Lorsque la charge virale de la personne séropositive est faible en raison d'un traitement et qu'il y a utilisation du condom, la condition de la possibilité réaliste de transmission n'est pas remplie», avait-elle écrit.