Un juge administratif qui a réalisé des investissements financiers louches d'un demi-million de dollars en espérant faire un profit «phénoménal» doit maintenant répondre de ses actes devant le comité de discipline de sa profession.

Guy Gagnon est vice-président de la section immobilière du Tribunal administratif du Québec. C'est l'ex-présidente de cette institution qui a porté plainte contre lui, alors qu'elle était encore en poste.

En 2003, M. Gagnon s'est endetté afin d'investir 500 000$ par l'entremise de l'ami d'un ami. On lui garantissait des rendements annuels de 100% pour une partie de cette somme et le versement d'intérêts de plus de 4% par mois pour une autre portion. On ne lui a jamais fourni quelque documentation que ce soit, et il savait que son interlocuteur n'était pas courtier en valeurs mobilières.

Dans les mois suivants, son argent a disparu.

Il a ensuite tenté de récupérer son investissement en lançant une poursuite. En 2012, la Cour supérieure a jugé qu'il avait été - en partie - l'artisan de son propre malheur. Guy Gagnon «aurait dû se douter qu'il s'agissait d'une situation louche», a écrit la juge, qui lui a attribué 50% des torts dans ce dossier.

Devant la justice administrative

Ce dossier a rebondi au cours des derniers mois devant le Conseil de la justice administrative, l'organisme chargé de s'assurer du respect des règles déontologiques par les juges administratifs.

Questionné sur ce dossier par La Presse il y a un an, un expert en criminalité financière de l'Université de Sherbrooke et ancien de la Gendarmerie royale du Canada a encore noirci le trait.

«C'est un aveuglement volontaire majeur de la part d'un homme de loi. Ça suggère qu'il est soit naïf sans bon sens, soit partie prenante à une intention délinquante», a évalué Michel Picard.

La plainte déposée fait référence à la possibilité que Guy Gagnon ait poursuivi des activités «incompatibles [...] avec l'exercice de ses fonctions».

«Placement audacieux»

Le juge administratif Gagnon a comparu devant le Conseil pour la première fois l'automne dernier. La Presse a obtenu l'enregistrement de l'audience.

Son avocat, l'ancien bâtonnier Louis Masson, a tenté de faire cesser les procédures. Il a plaidé que les gestes reprochés à son client étaient de nature privée et ne devraient pas faire l'objet d'une enquête disciplinaire.

«Est-ce que les taux de rendement de 100%, c'est quelque chose d'invraisemblable dans notre monde?», a fait valoir M. Masson. «C'est sûr que je ne m'aventurerai pas à répondre à cette question. Je vous soumets respectueusement que votre comité ne devrait pas non plus chercher à s'intéresser à la réponse à cette question.»

L'avocat a ajouté: «Est-ce que nous allons nous mettre à blâmer les juges qui font des placements audacieux? [...] Il se pourrait qu'il y ait des formes de placement à très haut taux de risque qui génèrent parfois de très hauts taux de rendement et parfois de très hauts taux de perte.»

Le Conseil de la justice administrative devrait décider sous peu s'il va de l'avant avec ses procédures ou s'il ferme le dossier.