La Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien de renseivement de sécurité) SCRS et l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) sont contraints d'ouvrir leurs tiroirs et de communiquer rapidement à Adil Charkaoui un nombre important de documents secrets, rapports de filatures et enregistrements de conversations qui le concernent.

Le Montréalais Adil Charkaoui vient de remporter une importante victoire d'étape en Cour supérieure dans le cadre de la poursuite de 26 millions en dommages et intérêts qu'il a intentée en 2010 contre le gouvernement du Canada.

Pour assurer sa défense, il réclamait depuis le mois de mai un volume important de pièces qui avaient été précédemment déposées ou évoquées dans le cadre de son certificat de sécurité, cassé depuis.

Les avocates d'Adil Charkaoui avaient envoyé quatre citations à comparaître au SCRS, à la GRC, à l'ASFC et au procureur général du Canada pour les forcer à leur remettre cette liste impressionnante de pièces.

Le juge Lacoursière leur a donné raison, invoquant dans son jugement rendu le fait que «la plupart des documents sont pertinents, que leur divulgation doit être favorisée et qu'ils sont utiles, appropriés et susceptibles de faire avancer le débat».

Le gouvernement du Canada s'était opposé, arguant notamment qu'il s'agissait d'une «partie de pêche», sans compter que la divulgation de certains documents pourrait porter atteinte à la sécurité nationale en raison de leur caractère «sensible».

Le juge ne lui a donné raison que sur un point, en refusant la communication à Adil Charkaoui de «notes, résumés, sommaires et rapports des interceptions ou enregistrements existants au dossier du SCRS» le concernant.

Selon toute vraisemblance, le débat risque de se transporter désormais en Cour fédérale, seule juridiction apte à trancher en vertu de la Loi sur la preuve avant toute «divulgation de renseignements potentiellement préjudiciables» ou «sensibles».

Adil Charkaoui s'est lancé dans cette bataille pour obtenir réparation pour le préjudice qu'il a subi dans la foulée de son arrestation en 2003 et du fait que l'étiquette d'«agent dormant d'Al-Qaïda» est à jamais apposée sur son front, même si le certificat de sécurité qui le frappait a été révoqué en 2009.

En mai dernier, le gouvernement du Canada avait déposé à nouveau des éléments incriminants contre Adil Charkaoui, en l'occurrence des informations laissant entendre qu'il aurait envisagé une attaque contre un avion de ligne Montréal-Paris et une autre dans le métro.

Le procureur général du Canada n'a pas fait de commentaires.

La saga Charkaoui en 5 dates

21 mai 2003: Adil Charkaoui est arrêté et incarcéré en vertu d'un certificat de sécurité signé par Denis Coderre, alors ministre de l'Immigration. On le soupçonne d'être «membre du réseau d'Oussama ben Laden».

17 février 2005: Adil Charkaoui est remis en liberté sous plusieurs conditions. Il doit notamment porter un bracelet électronique à sa cheville et respecter un couvre-feu.

23 février 2007: La Cour suprême juge inconstitutionnelles certaines dispositions des certificats de sécurité et donne un délai d'un an au gouvernement pour réécrire sa loi.

22 février 2008: Le gouvernement du Canada dépose un nouveau certificat de sécurité contre Adil Charkaoui.

14 octobre 2009: La Cour fédérale révoque ce certificat à la suite du retrait par le gouvernement de plusieurs informations dont la divulgation, arguait-il, aurait porté préjudice à la sécurité nationale.