La présidente d'un tribunal canadien chargé de sévir contre de la discrimination a elle-même harcelé et insulté des employés de manière répétée, allant jusqu'à formuler des remarques discriminatoires à l'égard de subalternes.

C'est ce que conclut le Commissariat à l'intégrité du secteur public dans un rapport rendu public jeudi matin.

Shirish P. Chotalia, qui porte le titre honorifique de conseillère de la reine (c.r.) a été présidente du Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) de 2009 jusqu'à novembre 2012, lorsqu'elle a remis sa démission au cours de l'enquête.

« Mme Chotalia a harcelé, de manière répétée, des employés à tous les échelons, en parlant d'eux en utilisant des termes péjoratifs, en mettant en question leurs compétences devant leurs collègues et en diffusant de fausses informations à leur égard en milieu de travail », peut-on lire dans le rapport.

« Lors de réunions et en présence d'autres employés, Mme Chotalia faisait preuve d'une attitude dégradante et humiliante à leur égard. Elle soulevait fréquemment des problèmes de santé personnels des employés, revenait sur le sujet d'un désaccord passé et attribuait à des employés, de manière injustifiée, la responsabilité pour des erreurs commises », ajoute-t-on.

« Dans certains cas, certaines personnes fondaient en larmes par suite des humiliations qu'elle leur infligeait en public. »

Le commissariat a noté que les allégations de comportement abusif avaient débuté dès le début du mandat de l'ex-présidente.

Tremblement de terre

Parmi les actes reprochés, on dénote également que « lors du tremblement de terre à Ottawa à l'été 2010, Mme Chotalia a ordonné à ses employés, par l'entremise de son adjointe, de rester à l'intérieur de l'immeuble et elle n'a pris aucune mesure pour répondre aux préoccupations des employés à l'égard d'une évacuation possible de l'immeuble après le tremblement de terre. »

« Mme Chotalia est plutôt allée de l'avant avec sa cérémonie de prestation de serment qu'elle avait elle-même organisée et qui devait se tenir cet après-midi-là, en dépit des exigences en matière de sécurité et des inquiétudes du personnel », ajoute-t-on.

Le Commissariat lui a même reproché un cas de discrimination : « Mme Chotalia a également formulé des remarques discriminatoires à l'égard de deux employés qui entretenaient une relation personnelle. Elle a fait remarquer qu'il n'était pas convenable que des personnes aient une relation personnelle et travaillent dans la même organisation ».

« Ironique »

« C'est ironique que dans un organisme qui est sensé être le protecteur des droits de la personne, que des comportements tels que ceux-là aient eu cours », a noté le commissaire à l'intégrité, Mario Dion, lors d'une téléconférence avec la presse jeudi.

« Dans les presque deux ans et demi que j'ai été en poste comme commissaire à l'intégrité du secteur public, c'est le pire cas de manque de respect à l'égard d'individus pour lesquels vous êtes responsable », a-t-il ajouté.

Le commissaire Dion s'est récusé au tout début de l'enquête en raison d'une rencontre qu'il avait déjà eue avec la présidente, alors qu'il occupait un autre poste de haut fonctionnaire au gouvernement. C'est un autre enquêteur du commissariat, Christian Santarossa qui en a été chargé.

M. Santarossa a tenté à plusieurs reprises de rencontrer Mme Chotalia ou ses avocats pour obtenir plus de détails sur sa version des faits, mais sans succès, a expliqué le commissaire Dion. Ils n'ont donc eu qu'une seule rencontre, au tout début du processus.

Le Commissariat n'a pas le pouvoir d'imposer de sanctions à la fautive et celle-ci n'est plus employée par le gouvernement. Le rapport a recommandé de soutenir les employés victimes d'abus et d'évaluer le besoin de développer une initiative sur le mieux-être des employés en milieu de travail. L'actuel président par intérim a accepté ces recommandations.

Avant sa nomination à la tête du TCDP, où elle pouvait toucher un salaire allant jusqu'à 256 000 $, Shirish Chotalia avait exercé comme avocate dans le domaine de l'immigration, des droits de la personne et de la gestion des conflits de travail. Elle a aussi été commissaire auprès de la Commission des droits de la personne de l'Alberta de 1989 à 1993, membre du TCDP de 1999 à 2005 et conseillère au barreau de l'Alberta de 2008 à 2009.

C'est la première fois que le commissaire Dion nommait ainsi la personne visée dans son rapport.