Ébranlé ce printemps par l’arrestation d’un enseignant pour crimes sexuels et la médiatisation d’un autre cas allégué d’inconduite, le Collège Stanislas lance une enquête indépendante pour mettre fin à ce fléau. La culture du Collège n’est plus « en phase » avec la société, admet même la haute direction, qui vise une nouvelle « culture de tolérance zéro ».

« Notre établissement connaît une annus horribilis car nous sommes maintenant atteints au cœur de nos valeurs. Nous sommes confrontés à la réalité brutale que notre culture d’établissement n’est plus en phase avec l’évolution récente de la société », écrit Guy Le Clair, président de la corporation du Collège Stanislas, dans un courriel envoyé récemment aux parents de l’établissement.

Les cas d’inconduites sexuelles s’accumulent à l’établissement privé d’enseignement français du quartier Outremont. Après la condamnation en 2019 d’un enseignant d’éducation physique pour pornographie juvénile, un enseignant d’économie, Alexandre Gagné, a été accusé en mars dernier de nombreux crimes sexuels.

Alexandre Gagné aurait fait six victimes parmi les élèves. Il fait face notamment à des chefs d’exploitation sexuelle, d’agression sexuelle, de leurre et d’actions indécentes. Le processus judiciaire se poursuit. Sans surprise, son arrestation médiatisée a eu l’effet d’une bombe au Collège Stanislas.

Puis, en mai dernier, une enquête de La Presse a révélé qu’un autre enseignant du Collège était visé par une enquête policière. Selon nos sources, cet enseignant d’expérience est soupçonné d’avoir commis des gestes de nature sexuelle à l’endroit de deux élèves de niveau secondaire et d’une collègue de travail en 2022 et en 2023. Il ne fait face à aucune accusation criminelle.

Lisez notre enquête de mai dernier

Des sources avaient révélé à La Presse que la direction du Collège avait tenté de balayer sous le tapis ces allégations l’an dernier. Lors des premières plaintes, en 2022, la direction a même banalisé certains gestes commis par le prof, allant même jusqu’à dire que cela était « culturel ».

« Année horrible »

C’est donc dans ce contexte que le président de l’établissement évoque dans son message aux parents une « annus horribilis » – une « année horrible » –, expression popularisée par la reine Élisabeth II dans les années 1990.

Dans sa missive, Guy Le Clair annonce avoir mandaté la firme d’avocats Lavery pour mener une enquête indépendante au sujet des allégations d’actes répréhensibles à caractère sexuel « apparues récemment dans [le] milieu » du Collège.

« Nous sommes déterminés à enquêter pour les identifier, à les analyser pour les comprendre et à agir pour les modifier », écrit le président de la corporation.

Le mandat du cabinet Lavery est de fournir un « avis juridique portant sur la suffisance des moyens mis en place par le collège afin de prévenir, déceler et gérer les cas d’inconduite sexuelle identifiés par l’enquête ». Le cabinet sera appelé à fournir, au besoin, un avis sur les possibles « mesures complémentaires » à implanter.

« Le rapport final sera délivré au cours de l’été. La corporation du collège s’engage à ce que les recommandations issues de cette enquête soient mises en œuvre », conclut Guy Le Clair, en demandant « l’implication de tous, élèves, parents, enseignants et personnel ».

« Être davantage réactifs »

Au sujet du « changement de culture » du Collège évoqué par le président, la directrice des communications de l’établissement précise que cela porte sur les « mécanismes de traitement des signalements d’inconduite ».

« D’ores et déjà, nous prévoyons d’intégrer à notre culture professionnelle des mécanismes et des formations pour être davantage réactifs lorsque nous recevrons des plaintes d’inconduite. Les résultats de l’enquête et ses conclusions nous permettront de revoir nos pratiques et de mettre en œuvre les améliorations requises », a indiqué à La Presse par courriel Sophie Alice T. Marchand.

Les cas d’inconduites sexuelles pullulent dans les établissements scolaires, au point où le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a lancé en mars dernier une « enquête générale » dans le réseau scolaire pour faire la lumière sur cette réalité.

L’histoire jusqu’ici

27 novembre 2019 : Denis Tiffou, un enseignant en éducation physique au Collège Stanislas, est condamné à 10 mois de prison pour possession de pornographie juvénile.

20 mars 2023 : Alexandre Gagné, un enseignant en économie du Collège est accusé au criminel d’avoir exploité, agressé et leurré six élèves de l’établissement

2 mai 2023 : Une enquête de La Presse révèle qu’un autre enseignant du Collège est visé par des allégations de nature sexuelle et fait l’objet d’une enquête policière

27 mai 2023 : Le Collège annonce aux parents la tenue d’une enquête indépendante sur les cas d’inconduites sexuelles