L’homicide de Louise Avon par son conjoint en psychose l’an dernier aurait pu être évité. Or, l’État a « lamentablement échoué », affirme un juge. La sécurité du public est même « menacée » par l’absence d’un programme cohérent en matière de santé mentale, s’alarme le juge Sylvain Lépine.

Ce qu’il faut savoir

  • Pascal Arseneault, un entrepreneur des Laurentides, a tué sa conjointe en mars 2022 pendant une psychose induite par le crack.
  • Les policiers étaient intervenus une douzaine de fois auprès de l’accusé dans les mois précédant l’homicide, sans jamais le mettre en détention.
  • Pascal Arseneault a été condamné à huit ans de prison pour homicide involontaire.

Pascal Arseneault a été condamné mercredi à huit ans d’emprisonnement pour l’homicide involontaire de sa conjointe en mars 2022 à Sainte-Agathe-des-Monts. Croyant que la victime était un « robot », l’homme de 50 ans l’a poignardée à plusieurs reprises, puis a mis le feu à leur résidence. Il était alors en pleine psychose en raison d’une forte consommation de crack.

Dans les faits, Pascal Arseneault était une vraie bombe à retardement. Dans les six mois précédant la tragédie, les policiers étaient intervenus 13 fois auprès de lui en raison de son « état mental perturbé », ce qui avait conduit à son hospitalisation à huit occasions. Il croyait être un « ninja » et disait coexister avec le « Christ ».

En public comme à la maison, Pascal Arseneault était parfois armé d’un bâton de baseball clouté, de haches, d’un sabre japonais ou d’un long bâton. Une fois, il a saccagé sa maison, armé d’un couteau, pour combattre des « ombres ». Sa conjointe, Louise Avon, vivait alors dans la terreur. Pourtant, Pascal Arseneault n’a jamais été détenu et n’a jamais été pris en charge durablement par le système de santé.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE LOUISE AVON

Pascal Arseneault en 2012

Le juge Lépine reconnaît que la « réduction d’effectifs » et la pandémie ont eu un « impact important » sur les services publics, dont la santé et la justice. Cependant, à ses yeux, il est « franchement incompréhensible et même choquant » que toutes ces interventions policières « n’aient mené à aucune action concrète pour éviter le pire ».

Deux jours avant l’homicide de Louise Avon, Pascal Arseneault a été arrêté en « plein délire » par les policiers, forcés d’utiliser un pistolet à impulsion électrique. Intoxiqué par le crack, le forcené brisait tout dans la maison et frappait les murs avec des bâtons.

« Encore plus choquant », selon le juge : Pascal Arseneault est sorti à peine six heures après son arrivée à l’hôpital.

« Ainsi, l’absence de coordination entre les interactions des policiers et le service de santé ont fait en sorte que l’État a lamentablement échoué dans son rôle de protection du public. L’absence d’un programme cohérent en matière de santé mentale et d’interventions policières réfléchies menace la sécurité du public. Une prise en charge de l’accusé aurait dû être mise en action pour éviter un tel drame », conclut le juge Lépine.

Interpellé par La Presse, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a assuré « travailler activement » sur la question de la prise en charge en matière de santé mentale.

« C’est exactement ce qu’on veut faire pour coordonner les activités policières, soit avec des patrouilles mixtes ou encore des modèles où le psychiatre est inclus dans l’équipe, et avoir des services qui sont donnés dans la communauté ».

Le ministre assure également que « l’accueil à l’urgence et le suivi dans la communauté » sont des « priorités » qu’il veut « régler cette année ».

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

La résidence de Sainte-Agathe-des-Monts était en ruine après l’incendie.

Son amour était « sa prison »

« Ma mère méritait de vivre, elle méritait d’être aimée. Elle ne méritait pas d’avoir peur le soir lorsqu’elle allait se coucher. Elle ne méritait pas de se faire insulter. Je suis triste que cet amour si fort que Louise éprouvait soit en quelque sorte devenu sa prison. J’ai du mal à accepter qu’une personne aussi douce ait connu une fin aussi violente », a confié la fille de Louise Avon dans une lettre poignante déposée à la cour.

Le magistrat rappelle également que la mort de Louise Avon démontre « une fois de plus les ravages qu’occasionne la consommation de stupéfiants ».

Toute la société paye le prix pour ces productions et trafics de drogue avec des conséquences dramatiques.

Le juge Sylvain Lépine

Avant de faire une rechute de consommation de crack en 2021, Pascal Arseneault semblait en effet vivre une vie normale. Avec sa conjointe des 12 dernières années, ils étaient propriétaires d’une entreprise d’aménagement paysager dans les Laurentides.

Le juge Lépine a entériné la suggestion commune de huit ans de détention. Cette peine tient compte des éléments de « santé mentale » du dossier, explique le juge. Par ailleurs, même s’il était en psychose, Pascal Arseneault demeure responsable criminellement de ses gestes puisque son état était « induit par la forte consommation de crack ».

En tenant compte du temps passé en détention préventive, il lui reste environ six ans à purger.

MAlexandre Dubois a représenté le ministère public, alors que l’accusé était défendu par MMarie-Ève Duplessis.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, La Presse