Éric Grenier, considéré par la police comme une relation des Hells Angels, a reçu la visite des enquêteurs d’un nouveau bureau de lutte au recyclage des produits de la criminalité de la Sûreté du Québec (SQ) lundi matin, à Laval, dans une rare enquête de piratage présumé de signaux de télécommunication.

Télécharger ou détourner des canaux de télécommunication ou des œuvres et les distribuer est illégal au Canada.

Selon nos recherches, Grenier, 50 ans, est administrateur de compagnies à numéro derrière Arubox.tv.

Celle-ci offre, à 250 $ pièce et à 25 $ par mois, un décodeur qui utilise la technologie IPTV et la possibilité de capter, en tout temps, 3500 canaux du Québec, du Canada, des États-Unis et d’ailleurs dans le monde.

Sur son site internet, Arubox.tv se présente comme « le futur de la télé » et comme un fournisseur télé offrant « toutes les chaînes, tous les films, toutes les séries dans toutes les langues », et « un accès direct aux évènements sportifs ».

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK D’ÉRIC GRENIER

Éric Grenier

Sur sa page Facebook, Éric Grenier, jadis surnommé le « Hugh Hefner québécois » en raison de son implication dans le divertissement pour adultes, fait ouvertement la promotion d’Arubox.tv ou de décodeurs depuis au moins 2020. « On règle les demandes spéciales en 48 heures. Tu veux un film ou une série, ça va être fait en moins de 48 heures », peut-on lire sur l’une de ses publications de septembre 2022.

D’après nos constatations, Grenier se rend souvent à Aruba, ce qui serait à l’origine du nom de sa compagnie.

Au moins 6000 clients

Selon des sources policières, le nombre de clients d’Arubox.tv a doublé en deux ans : l’entreprise en aurait actuellement entre 6000 et 7000, alors qu’elle en aurait eu entre 3000 et 4000 en 2021, avant le lancement de l’enquête baptisée Radiophonie.

D’après un calcul rapide, 6000 clients, à 25 $ par mois, représentent une somme de 1,8 million.

C’est un groupe d’entreprises de télécommunication privées, menées par BCE (Bell), qui aurait porté plainte à la SQ.

Ces entreprises n’ont pas été en mesure d’évaluer leurs pertes, mais elles se compteraient en millions de dollars, selon la police.

Les enquêteurs du Bureau de récupération d’actifs criminels et du blanchiment d’argent effectuent cinq perquisitions lundi ; dans le condo de Grenier à Laval, chez un présumé complice à Saint-Eustache et chez une proche de Grenier à Brownsburg-Chatham, dans le comté d’Argenteuil.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Il s’agit de perquisitions en cours d’enquête. Aucune arrestation ni accusation n’est prévue pour le moment.

Des ordonnances de blocage, visant des comptes de banque et le condo d’Éric Grenier, évalué à près de 500 000 $, seront toutefois demandées.

À la fin de l’enquête, si la preuve est suffisante, des accusations de vol de services de télécommunication, possession d’un dispositif pour l’utilisation d’installations ou de services de télécommunication, vol d’une personne ayant un droit de propriété, recyclage des produits de la criminalité et complot pourraient être déposées.

Une personne reconnue coupable de recyclage des produits de la criminalité est passible d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement.

Les perquisitions de lundi matin ont été réalisées avec la collaboration du Service de police de Laval, du Service de police de la Ville de Saint-Eustache, des policiers de la SQ de la MRC d’Argenteuil, de Revenu Québec et de CANAFE.

L’ombre des Hells Angels

Selon nos informations, Éric Grenier aurait été vu en compagnie de membres des Hells Angels durant l’enquête et la police n’exclut pas qu’une ristourne soit versée à l’organisation criminelle.

La police n’écarte pas non plus des liens avec un membre des Red Devils, club-école des Hells Angels, de la région de Québec.

On compte une vingtaine d’enquêteurs du Bureau de récupération d’actifs criminels et du blanchiment d’argent partout au Québec et ils travaillent directement avec leurs collègues des escouades régionales mixtes (ERM) et de l’Escouade de répression du crime organisé (ENRCO), dont les mandats sont de s’attaquer au crime organisé et à ses têtes dirigeantes.

« C’est une démonstration de la stratégie selon laquelle on attaque le crime organisé sous tous ses angles. Nous avons maintenant un bureau de blanchiment d’argent qui relève de notre division du crime organisé, alors on a décidé d’entreprendre cette enquête », a confié à La Presse une source policière selon laquelle il faut maintenant s’attendre à voir davantage d’ordonnances de blocage dans les enquêtes de la Sûreté du Québec contre le crime organisé.

Une des dernières enquêtes policières connues sur des vols de signaux de télécommunication a été menée en 2018 par la GRC, rapportait La Presse à l’automne de cette même année.

La police fédérale avait perquisitionné chez un ancien employé de Vidéotron et saisi du matériel technologique dans une enquête visant Cielo 4K, un service de distribution télé par internet.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Qui est Éric Grenier ?

PHOTO FOURNIE PAR IDI PRODUCTIONS

Éric Grenier, au centre, sur une photo faisant la promotion du docu-réalité Le bum, les belles et la brute.

  • Ancien gérant du bar de danseuses Le Garage de Mirabel
  • Surnommé le « Hugh Hefner québécois », il a été propriétaire du magazine Québec Érotique et a participé au docu-réalité Le bum, les belles et la brute produit par Anne-Marie Losique
  • Ancien membre des Red Devils
  • Condamné à cinq ans d’emprisonnement aux États-Unis en 2014 pour le trafic de 5 kg de cocaïne
  • Arrêté en juillet 2011 pour avoir menacé des patrouilleurs nautiques du SPVM. Les chefs d’accusation ont toutefois été abandonnés par la suite
  • Condamné à 500 $ d’amende en 2004 pour une affaire de menaces et de voies de fait