La police ontarienne a annoncé mercredi le démantèlement d’un réseau de traite de personnes qui aurait attiré des travailleurs mexicains dans ses filets pour ensuite les forcer, par la fraude et la coercition, à travailler pour des grenailles dans des centres de recyclage du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta.

Trois hommes et une femme ont été arrêtés le 16 mai et font l’objet d’une série d’accusations criminelles liées à la traite de personnes, a révélé la Police provinciale de l’Ontario (PPO). Les suspects, Miroslaw Blachuta (72 ans), Francisco Eluid Antonio-Olvera (33 ans), Mikhael Akin (53 ans) et Floriberta Sarmiento (27 ans) sont des résidants de la grande région de Toronto.

L’enquête, baptisée Projet Foxtrot, a débuté le 13 février dernier, grâce à une dénonciation reçue d’un groupe d’aide aux immigrants et aux réfugiés. « Ils étaient inquiets à propos du traitement de certaines personnes », a expliqué mercredi l’inspecteur-détective Jordan Whitesell, de la PPO, en entrevue avec La Presse.

« Nous avons pu avoir accès aux victimes facilement, et tout le mérite revient à nos enquêteurs, qui sont extrêmement doués, ainsi qu’à nos policiers, qui ont un profil linguistique très varié pour entrer en contact avec différentes communautés », a ajouté M. Whitesell.

Selon la police, l’enquête a révélé que des travailleurs mexicains étaient recrutés en ligne grâce à des promesses de bons salaires et de permis de travail au Canada.

Une fois arrivés au pays, ils étaient hébergés dans des logements loués pour des séjours à court terme à travers le Canada, ainsi que dans le sous-sol d’un des suspects en Ontario. L’acte d’accusation précise que les crimes reprochés aux accusés ont commencé à la fin de septembre ou au début d’octobre.

Employeurs dans le noir

Les victimes ont travaillé dans des centres de tri de matières recyclables à travers le Canada, notamment à Lévis, au Québec, selon la PPO, qui a obtenu l’aide du Service de police de la Ville de Québec pour son enquête. Le nom des entreprises impliquées n’a pas été divulgué, mais la police assure que les employeurs ignoraient tout du statut de ces travailleurs vulnérables et que l’embauche avait été faite par le truchement de services de placement de main-d’œuvre externes.

Les suspects auraient prélevé des sommes sur la paie des travailleurs, qui était déjà inférieure à ce qu’on leur avait fait miroiter. « Au moyen de la fraude et de la coercition, les suspects ont fait croire aux victimes qu’elles ne pouvaient pas partir », explique Jordan Whitesell.

Le Projet Foxtrot révèle l’exploitation des victimes de traite de personnes à la vue de tous.

L’inspecteur-détective Jordan Whitesell, de la Police provinciale de l’Ontario

Trois victimes, des hommes âgés de 27 à 42 ans, ont reçu des services d’aide d’un centre d’assistance aux réfugiés après avoir été secourues par les policiers.

L’un des suspects, Miroslaw Blachuta, est inscrit au registre des entreprises comme administrateur d’un organisme à but non lucratif appelé TLIO (pour Truth Love Inspiration Organization) qui vise à « soulager la pauvreté » dans les pays en développement, en fournissant de la nourriture, des soins de santé, de l’eau potable et de l’aide à l’agriculture. Dans ses documents d’incorporation, l’organisme dit aussi vouloir combattre la pauvreté au Canada en fournissant des abris pour personnes itinérantes et des services d’aide aux immigrants. La documentation disponible n’indique pas si l’organisme a été réellement actif, et les tentatives de La Presse pour joindre un autre administrateur ont été infructueuses.