(Montréal) Cinq individus qui auraient pris part à une « chasse » à de prétendus pédophiles ces derniers mois ont été arrêtés à Gatineau jeudi et font face à plusieurs chefs d’accusation dont, ironiquement, distribution de pornographie juvénile.

Le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) a indiqué avoir été mis au fait qu’un phénomène de « chasseurs de pédophiles » existait sur son territoire au mois de janvier.

Depuis l’apparition du phénomène, le corps policier indique avoir reçu une dizaine de plaintes de la part de résidants inquiets de la situation ou ayant été victimes d’une infraction en lien avec les actions du groupe.

Le modus operandi des suspects consistait à afficher sur des applications de rencontre comme Tinder ou Grinder des photos de mineurs pour leurrer de prétendus pédophiles.

« C’est tellement facile, c’est atrocement dégueulasse. Je peux te dire que je suis en train de parler au-dessus de 75 personnes qui sont prêtes à fourrer un jeune de 14 ans. C’est affreux », décrivait l’un des initiateurs du mouvement, Joey Chartrand, 25 ans, dans une entrevue accordée au 104,7 FM, en Outaouais, à la fin janvier.

Une façon de faire illégale

Les membres du groupe, qui se qualifiaient de « pédobusters », allaient ensuite à la rencontre de ces gens leurrés sur ces applications pour les confronter. Des personnes ainsi coincées auraient finalement porté plainte à l’endroit du groupe.

Qui plus est, cette façon de faire était illégale en soi. « Il y a eu des échanges de photos durant les conversations [en ligne] et ce que la loi dit, quand on partage une photo, que c’est du matériel pornographique explicite et qu’on prétend que ça représente une personne d’âge mineur, même si réellement ça n’en est pas une, ça devient de la pornographie juvénile. C’est considéré comme tel, même si en vérité, ça ne représente pas vraiment le corps d’une personne mineure », a indiqué l’agente Andrée East, du SPVG, en entrevue avec La Presse Canadienne.

De plus, le SPVG décourage de telles initiatives « considérant les risques encourus pour les personnes qui y participent ».

« Le SPVG rappelle qu’en aucun cas une personne ne peut se faire justice elle-même, même si elle est victime d’un crime, quel qu’il soit », précise-t-on en ajoutant que l’instigateur de ce mouvement a été rencontré à la fin janvier « afin de lui expliquer les risques auxquels il s’exposait s’il poursuivait son initiative ».

38 chefs d’accusation

Pas moins de 38 chefs d’accusation ont été autorisés par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) contre les cinq individus visés par cette opération policière.

Joey Chartrand, Jessy Chartrand, 27 ans, Normand Philip Payant, 26 ans, André Chevalier-Robitaille, 40 ans, et Liam Georges Dupont, 24 ans, devront faire face à des accusations de distribution de pornographie juvénile, de harcèlement criminel, d’intimidation et de séquestration.

Des mandats de perquisition exécutés dans le cadre de cette opération ont également mené à la saisie de matériel informatique, d’armes à feu mal entreposée ainsi que d’une petite quantité de cannabis.

Les cinq individus demeureront détenus jusqu’à leur comparution devant la Cour du Québec, qui devrait avoir lieu jeudi.