Des intervenants appellent au resserrement des critères de remise en liberté sous conditions.

La répétition de crimes violents par des individus ayant des antécédents psychiatriques et criminels ces derniers mois appelle à un resserrement des critères de remise en liberté sous conditions, estiment plusieurs intervenants à la suite d’un nouveau drame qui s’est conclu par la mort d’une policière à Louiseville, lundi.

« Pour moi, c’était une lumière rouge », déplore la présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ), Josée Rioux, à la lecture de la dernière décision de la Commission des troubles mentaux à l’endroit d’Isaac Brouillard Lessard, datée de février 2022.

Ce tribunal administratif était chargé d’évaluer au moins une fois tous les ans les conditions de remise en liberté de l’homme abattu lundi à Louiseville après avoir présumément poignardé la policière Maureen Breau.

Isaac Brouillard Lessard aurait dû être évalué de nouveau dans les dernières semaines, mais son audience n’a pu avoir lieu en raison de la non-disponibilité de son avocat, a confirmé ce dernier à La Presse.

Le témoignage de son psychiatre traitant dans le cadre de sa dernière audience en date à la Commission fait état d’une agression à l’endroit du concierge d’un immeuble autour de novembre 2021 lors de laquelle il aurait frappé à plusieurs reprises l’homme alors qu’il se trouvait au sol.

Qui plus est, il avait été reconnu non criminellement responsable dans le passé de voies de fait envers plusieurs membres du personnel soignant lors de ses hospitalisations répétées, de nombreux faits qui pouvaient laisser croire qu’un drame se préparait, estime la criminologue Josée Rioux.

Y avait-il un plan ?

Or, sans critiquer la décision de la Commision de le remettre en liberté sous de sévères conditions, elle se questionne : un plan avait-il été établi pour traiter ces comportements violents et criminels ?

[Il] avait des besoins psychologiques, psychiatriques, mais aussi criminogènes, au niveau de ses comportements violents. Est-ce que quelque chose avait été fait pour ça, parce que ce ne sont pas de petites accusations, quand même. A-t-on adressé cette violence ?

Josée Rioux, présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec (OPCQ)

Mme Rioux fait un parallèle entre le drame survenu à Louiseville lundi et l’assassinat de trois personnes en 24 heures dans la région de Montréal l’été dernier, encore une fois par un jeune homme aux antécédents psychiatriques libéré sous conditions par la Commission d’examen des troubles mentaux1.

« Qu’est-ce qu’on doit faire pour éviter des situations comme ça ? On n’a pas fait beaucoup d’avancées [depuis ce drame] pour prendre en charge les personnes qui ont une problématique de santé mentale doublée d’une problématique de délinquance », souligne Josée Rioux.

« La police écope, puis écope »

L’émotion dans la voix, le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec, Jacques Painchaud, a appelé à des « actions politiques concrètes » au-delà « des mots de sympathie », au lendemain du drame qui a marqué nombre de ses membres.

Sans vouloir se substituer à des « comités qui pourraient nous arriver avec de fines recommandations », il considère que le Québec a « un problème » : « on a trop de récidivistes en liberté ». « On est en train de faire une gestion du risque qu’on ne peut pas assumer », martèle-t-il en entrevue.

« L’impression qu’on a, c’est que l’eau rentre dans le paquebot, la police écope, puis écope, mais l’eau continue de rentrer », dit le policier de la Sûreté du Québec, le même corps policier qui employait la sergente tuée lundi à Louiseville.

Du laxisme et de la banalisation

Même son de cloche chez le superviseur retraité du Service de police de la Ville de Montréal et spécialiste en usage judicieux de la force Stéphane Wall, qui rappelle le meurtre d’un policier en fonction en décembre dernier en Ontario.

Indignée, l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) avait joint sa voix à celles de ses vis-à-vis canadiens pour exiger du gouvernement fédéral de revenir sur sa décision d’assouplir le processus de mise en liberté pour les personnes accusées de crimes liés aux armes à feu2.

« On a un problème de société. C’est du laxisme et de la banalisation de la violence, estime Stéphane Wall. On décide de prendre le risque de remettre en liberté […] des gens qui présentent des risques graves pour la société, et on les met quand même à l’extérieur. »

Morts en service

Au cours de la dernière décennie, quatre autres policiers ont perdu la vie dans le cadre de leur travail au Québec.

Richer Dubuc

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Richer Dubuc avait 42 ans et était père de quatre enfants.

Au Québec, le dernier policier à être mort en service avant cette semaine était Richer Dubuc, de la Gendarmerie royale du Canada. Âgé de 42 ans et père de quatre enfants, Richer Dubuc est mort le 6 mars 2017 à la suite d’une collision entre son véhicule et un tracteur de ferme à Saint-Bernard-de-Lacolle. Le policier faisait partie de l’Équipe intégrée de la police des frontières, à Saint-Jean-sur-Richelieu, et travaillait sur le chemin Roxham, où l’afflux de réfugiés en provenance des États-Unis avait augmenté de façon importante.

Jacques Ostigny

L’année précédente, le policier Jacques Ostigny, de la Sûreté du Québec, était en train d’aller secourir deux touristes dans un sentier de randonnée sur la Côte-Nord, le 21 septembre 2016, quand il a été victime d’un malaise. M. Ostigny a été transporté à l’hôpital, où son décès a été constaté.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

L’agent Thierry LeRoux avait seulement 26 ans lorsqu’il a été tué en service.

Thierry LeRoux

L’agent Thierry LeRoux, âgé d’à peine 26 ans, a été tué de deux balles dans le dos lors d’une intervention policière qui a mal tourné le 13 février 2016 à Lac-Simon, en Abitibi. Le drame a mené à des changements : depuis, quatre policiers sont en poste en tout temps à Lac-Simon, contrairement à deux au moment de la mort du jeune policier.

Steve Déry

Steve Déry, de la Kativik Regional Police Force (KRPF), a été tué le 2 mars 2013 lors d’une intervention au Nunavik. Le policier n’était âgé que de 27 ans lorsqu’il a succombé à ses blessures par balle, infligées par un individu qui s’est ensuite donné la mort.

Ailleurs au pays

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les policiers d’Edmonton Travis Jordan et Brett Ryan

Travis Jordan et Brett Ryan

Plus tôt ce mois-ci, les policiers Travis Jordan et Brett Ryan, de la police d’Edmonton, en Alberta, ont été tués par balle alors qu’ils répondaient à une dispute familiale. Le suspect, un adolescent de 16 ans, a ensuite retourné son arme contre lui. Au lendemain du drame, les autorités ont dit que les deux policiers ignoraient qu’ils s’apprêtaient à intervenir dans une situation risquée ou dangereuse. Le suspect n’avait pas d’antécédents judiciaires, mais la police avait eu affaire à lui pour des appels concernant des problèmes de santé mentale.

1. Lisez « Trois meurtres en 24 heures : le suspect présentait un risque “important pour la sécurité du public” » 2. Lisez « Policier tué en Ontario : les directeurs de police du Québec interpellent à leur tour Ottawa »