L’homme suspecté d’avoir tué la policière Maureen Breau lors d’une banale opération, lundi soir à Louiseville, en Mauricie, possédait des antécédents criminels et de santé mentale et représentait « un risque important » pour la sécurité du public, ce qui ne l’empêchait pas d’être en liberté sous de sévères conditions.

Isaac Brouillard Lessard, 35 ans, a fait l’objet de cinq verdicts de non-culpabilité pour cause de troubles mentaux depuis 2014 pour des voies de fait armées et des menaces de mort, entre autres, à l’endroit de membres du personnel soignant chargé de ses traitements.

En lien avec ces accusations, il faisait l’objet d’un suivi devant la Commission d’examen des troubles mentaux, un tribunal administratif chargé d’évaluer à intervalles réguliers ses conditions de libération.

« Compte tenu de l’ensemble de la preuve, la Commission est convaincue que l’accusé représente toujours, en raison de son état mental, un risque important pour la sécurité », peut-on lire dans la dernière décision de son dossier, datée du 16 février 2022.

Un trouble schizoaffectif

En effet, Isaac Brouillard Lessard souffrait alors d’un trouble schizoaffectif, d’un autre lié à l’usage d’amphétamines, dont il était en rémission, et finalement d’un trouble lié à l’usage de cannabis.

Le suspect remettait toutefois en cause son suivi psychiatrique et faisait preuve d’une « absence d’autocritique flagrante » face à son diagnostic.

Après avoir été hospitalisé pendant environ un an et demi à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel, de juillet 2018 à décembre 2019, sa situation semblait s’être stabilisée.

Or, il aurait connu une rechute à compter d’octobre 2021. Sa « situation psychosociale » se serait détériorée, selon le témoignage de son médecin traitant, puisqu’il a alors cessé de prendre sa médication. « Une désorganisation cognitive s’est progressivement installée », indiquait alors le soignant.

En l’absence de cadre et de suivi, la Commission est convaincue de la probabilité que l’accusé s’engage dans un comportement criminel entraînant des préjudices physiques ou psychologiques qui […] puisse être grave.

Extrait d'un document légal au sujet d'Isaac Brouillard Lessard, daté de février 2022

L’avocat qui a représenté le suspect durant cette dernière audience, MYannick Péloquin, a dit apprendre « avec horreur et consternation la tragédie de Louiseville ». « Mes pensées sont d’abord avec les proches de l’agente Maureen Breau. Je suis aussi peiné de la fin brutale de mon client », a-t-il ajouté, en précisant ne pas pouvoir commenter davantage les décisions rendues par la Commission d’examen des troubles mentaux.

Vingt ans d’expérience

Selon les premières informations, Isaac Brouillard Lessard aurait poignardé la sergente de la Sûreté du Québec (SQ) Maureen Breau lundi soir avant d’être abattu.

Le corps policier a confirmé, mardi matin, par communiqué la mort de Maureen Breau des suites de ses blessures subies durant cette intervention. Le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a déclenché une enquête en lien avec cet évènement survenu lundi vers 20 h 30.

PHOTO FOURNIE

La sergente Maureen Breau

Le tout a débuté lorsqu’un duo de policiers se serait déplacé pour arrêter un homme concernant des menaces dans un immeuble de logements du boulevard Saint-Laurent.

PHOTO FOURNIE

Isaac Brouillard Lessard

« Lors de l’arrestation, au moment de la lecture des droits, l’individu aurait pris un couteau [qui se trouvait] à proximité, l’aurait ensuite utilisé en direction des policiers et il aurait atteint une policière », précise le BEI. Selon nos informations, la sergente d’expérience se trouvait au deuxième étage de l’édifice. Elle est tombée du balcon peu après l’attaque.

Un second duo de patrouilleurs était également sur place pour l’arrestation. L’un des policiers aurait alors fait feu vers l’homme de 35 ans, le blessant mortellement. Le locataire habitait ce logement depuis quelques mois seulement.

La sergente Breau, une mère de famille, comptait un peu plus de 20 ans d’expérience à la SQ et était affectée au poste de la MRC de Maskinongé.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La scène de l’évènement

Un autre policier a été blessé lors de cette opération. Sa vie n’est toutefois pas en danger, indique la SQ.

Onde de choc

Le maire de Louiseville, Yvon Deshaies, s’est présenté aux abords du large périmètre policier mardi matin. Cette tragédie le laisse « stupéfait ». « On ne pense jamais que ça va arriver. Je pense aux familles et à nos policiers qui doivent intervenir », a-t-il dit à La Presse.

L’élu a longuement discuté avec le propriétaire de l’immeuble où logeait le suspect.

[Le propriétaire de l’immeuble] m’a raconté qu’il voulait le renvoyer [Isaac Brouillard Lessard]. Qu’il faisait peur au monde. Les gens avaient peur de l’approcher.

Yvon Deshaies, maire de Louiseville

« Une telle épreuve nous rappelle le danger du métier de policier face à des situations extrêmes comme celle à laquelle ont dû faire face la sergente Breau, ses confrères policiers et les préposés aux télécommunications d’urgence qui ont soutenu ces derniers lors de cette intervention. J’offre mes plus sincères condoléances à son conjoint, ses enfants, sa famille et ses collègues », a indiqué par communiqué Johanne Beausoleil, directrice générale de la SQ.

« Aujourd’hui nous rappelle que les policiers font un travail dangereux et important pour assurer la sécurité des Québécois », a réagi le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, dans un message publié sur les réseaux sociaux.

« Épouvantable. Toutes mes pensées accompagnent les collègues, les proches et la famille de la sergente Maureen Breau », a ajouté le premier ministre du Québec, François Legault, sur son compte Twitter.

« Les nouvelles en provenance de Louiseville, au Québec, sont déchirantes. J’offre mes condoléances à la famille, aux amis et aux collègues de la SQ de la sergente Maureen Breau, et je souhaite un rétablissement rapide et complet au policier blessé. On pense à vous », a partagé le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

Cinq enquêteurs du BEI ont été chargés d’enquêter sur l’intervention. Vu les circonstances de l’évènement, les services de soutien d’un corps de police ont été requis, soit le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Une enquête criminelle parallèle concernant les évènements survenus a été confiée au SPVM.