Un second procès pour Jonathan Massari, accusé d’avoir fomenté les meurtres de quatre individus reliés à la mafia et d’y avoir pris part, aurait comporté des risques, admet la poursuite, en raison de l’éventuel témoignage d’un ancien tueur à gages devenu taupe pour la police et sur lequel reposait le cœur de la preuve.

À quelques jours de subir ce deuxième procès devant jury, Massari, 41 ans, a plaidé coupable lundi aux trois chefs de complot déposés contre lui pour les meurtres de Lorenzo Giordano, Rocco Sollecito et des frères Giuseppe et Vincenzo Falduto, commis respectivement en mars, mai et juin 2016.

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Jonathan Massari

En revanche, les quatre accusations de meurtre ont été retirées par le juge Michel Pennou de la Cour supérieure, à la demande de la poursuite, qui en est arrivée à une entente avec la défense après une séance de facilitation présidée par la juge retraitée Johanne St-Gelais, également de la Cour supérieure.

Pourtant, selon la preuve présentée durant le premier procès tenu l’automne dernier, Massari a joué un rôle important dans ces crimes ; il aurait été sous les ordres du chef de clan calabrais Salvatore Scoppa et a conduit la voiture et la moto de fuite sur les lieux des meurtres de Giordano et de Sollecito.

Il était également présent dans le garage de la propriété de Marie-Josée Viau et de Guy Dion à Saint-Jude, près de Saint-Hyacinthe, lorsque les frères Falduto y ont été assassinés.

  • Rocco Sollecito

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    Rocco Sollecito

  • Lorenzo Giordano

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  • Giuseppe Falduto

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    Giuseppe Falduto

  • Vincenzo Falduto

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    Vincenzo Falduto

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Un témoin difficile

La preuve reposait principalement sur le témoignage d’un ancien tueur à gages – dont on doit taire le nom – qui a participé à trois de ces meurtres, qui s’est mis à collaborer avec la Sûreté du Québec (SQ) dans le cadre d’une enquête d’envergure baptisée Préméditer et qui a enregistré ses complices à leur insu en 2019.

Le premier procès de Massari a avorté au premier jour du témoignage de cet agent civil d’infiltration (ACI) parce que ce dernier a tenu des propos inadmissibles en preuve et préjudiciables pour l’accusé.

En vue du second procès, la poursuite avait présenté une requête pour que le témoignage de l’ACI soit filmé sur vidéo, en présence du juge, qu’il soit monté et ensuite présenté aux membres du futur jury, mais le juge Pennou a conclu en novembre que l’idée, quoique séduisante, était prématurée.

« Il y a aussi de bonnes raisons de penser que l’ACI sera un témoin difficile, imprévisible et possiblement opposé et hostile au ministère public », écrit, dans sa décision, le juge Pennou, qui rappelle notamment que l’ex-tueur à gages a souvent manifesté son antipathie envers la SQ, ses contrôleurs et les procureurs, qu’il a refusé de rencontrer ces derniers pour la préparation du procès de Dominico Scarfo, complice de Massari, qu’il a lancé à Scarfo « Tu t’en viens à la maison mon ami » (You’re coming home buddy) avant son témoignage et qu’il a même laissé des messages dans la boîte vocale de l’ancien avocat de Massari, MPhilippe Larochelle, lui disant qu’il voulait passer dans le camp de l’inculpé et « faire acquitter tout le monde ».

« Pour nous, ces propos du juge sont une illustration des difficultés auxquelles nous aurions fait face dans un deuxième procès. En raison du jugement en avortement de procès et de celui sur la requête sur l’encadrement du témoignage de l’ACI, notre preuve comportait des risques », affirme l’une des procureures au dossier, MIsabelle Poulin.

Dans l’intérêt de la justice

En revanche, MPoulin est fière de la peine suggérée par la poursuite et la défense, qui sera plaidée le 13 mars prochain : 25 ans, sans possibilité pour Massari d’obtenir une libération conditionnelle avant d’en avoir purgé la moitié.

« La peine se situe au maximum de la fourchette en matière de complot pour meurtre dans un contexte de crime organisé et se rapproche d’une peine à perpétuité. Pour les chefs de complot, Dominico Scarfo a reçu une peine de 20 ans », explique MPoulin.

La procureure souligne également que ce plaidoyer évite un 4procès dans le dossier Préméditer et un 2procès pour l’accusé, et met fin à des procédures dans lesquelles plus de 80 jugements ont été rendus depuis janvier 2021 et de nombreux juges ont été sollicités.

« Compte tenu de tout cela, c’est un règlement intéressant qui rencontre les intérêts de la justice et de la société », ajoute MPoulin, qui dit aussi espérer que ce plaidoyer aidera les familles dans leur deuil respectif.

« Nous remercions les familles des victimes pour leur collaboration et leur courage depuis le début des procédures. Nous espérons que la fin de ce processus judiciaire, qui fut long, pourra leur permettre de franchir une étape de plus dans le deuil qu’elles traversent », conclut la procureure.

Pas tout à fait la fin

Si le juge Pennou entérine la suggestion commune de 25 ans, il restera à Massari, en soustrayant la détention préventive qui est calculée en temps et demi, 19 ans et huit mois à purger.

À l’issue des autres procès devant jury dans le dossier Préméditer, Dominico Scarfo a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, Marie-Josée Viau a été reconnue coupable des meurtres au second degré des Falduto et de complot, et condamnée à l’emprisonnement à perpétuité sans être admissible à une libération conditionnelle avant 12 ans, et son conjoint Guy Dion a été acquitté sur tous les chefs.

Mais Viau et Scarfo ont porté leur condamnation en appel.

Donc, théoriquement, l’ancien tueur à gages dont le témoignage avait également été mouvementé durant ces procédures pourrait de nouveau témoigner, si jamais la Cour d’appel ordonnait la tenue de nouveaux procès.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.