Des crimes non résolus pourraient être élucidés au Québec grâce à l’utilisation de nouvelles technologies d’analyse génétique, estime le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec (LSJML), qui a confirmé pour la première fois, mardi, les utiliser.

Au cours d’une présentation technique destinée aux médias tenue à la suite de la publicisation de nombreux dossiers résolus grâce à ces technologies aux États-Unis et en Ontario, deux responsables du LSJML ont dit avoir bon espoir de voir la même chose se produire ici.

« Évidemment, ces technologies-là ont beaucoup de potentiel, on travaille activement sur certains dossiers, on a beaucoup d’espoir que certains dossiers soient résolus par ces nouvelles techniques d’enquête », a indiqué la directrice générale de la Biologie/ADN du Laboratoire, Diane Séguin.

Ces technologies (expliquées ci-dessous) utilisent l’ADN laissé par des suspects sur des scènes de crime de différente façon afin de guider le travail des enquêteurs et d’identifier des suspects. L’espoir est donc permis pour certaines familles de victimes toujours en attente de résultats, croit Diane Séguin.

« C’est assez complexe »

Elle défend toutefois l’approche prudente du Québec et du Canada face à ces nouvelles technologies utilisées dorénavant de façon régulière aux États-Unis pour résoudre d’anciens crimes.

« Ça prend du temps à mettre en place, ce genre de technologies, ça prend du temps, acquérir ces appareils […], on a des normes de qualité, il y a tout le système légal, a-t-elle énuméré. C’est assez complexe et ça ne veut pas dire qu’on ne travaille pas sur ces dossiers. »

Diane Séguin n’a pas souhaité commenter les implications légales de l’utilisation de ces nouvelles technologies ; l’utilisation en cour de la preuve récoltée par leur entremise n’a pas encore été testée au Québec. Le LSJML affirme toutefois être en discussion avec le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), ses partenaires policiers et les coroners afin d’avancer sur ce front.

Des cas précis

Ce nouvel arsenal n’est pas non plus destiné à toutes les enquêtes, indique le LSJML, mais servira surtout à l’identification de corps, à résoudre d’anciens « cold cases » et des crimes graves où la sécurité du public est menacée, par exemple pour identifier un agresseur sexuel en série toujours en liberté.

Le LSJML s’est refusé à tout commentaire en lien avec des dossiers précis. Le premier cas à avoir été résolu au Canada grâce à ces nouvelles méthodes d’analyse génétique est celui du meurtre de Christine Jessop, a rappelée Diane Séguin.

Le meurtrier de cette fillette de 9 ans, dont l’enlèvement et la mort en 1984 avaient bouleversé le Canada et entraîné la condamnation d’un innocent, avait été identifié par la police de Toronto 36 ans plus tard grâce à son ADN, en 2020.

Voici, en bref, les nouvelles technologies utilisées par le LSJML

La généalogie génétique

La généalogie génétique permet de croiser l’ADN d’un suspect trouvé sur une scène de crime ou de restes humains avec celui de millions de profils ADN qui se retrouvent dans de nombreuses bases de données sur la généalogie alimentées par des gens qui font leur arbre généalogique en ligne. L’élément clé de cette technique est qu’elle peut fonctionner même si un suspect n’a jamais fourni son ADN à qui que ce soit.

Phénotypage

Grâce à l’analyse d’ADN laissé sur les lieux d’un crime, le phénotypage permet de déterminer certaines caractéristiques de l’apparence physique du suspect, par exemple la couleur de ses yeux, de ses cheveux, de sa peau et son sexe. Utile dans certains cas pour orienter les enquêteurs vers un type d’individu s’il y a plusieurs suspects ou personnes disparues, cette technologie est toutefois limitée.

Réseaux d’ADN 

Cette technologie, qui va plus loin que l’analyse traditionnelle d’ADN, permet de relier des individus entre eux à partir des dossiers communs dans lesquels leur ADN a été trouvé. Elle permet aux autorités d’avoir une vue d’ensemble sur des liens possibles entre des individus qui constituent les gangs criminels.

PatronYme

Cette technologie consiste à utiliser le chromosome Y, transmis de père en fils, comme piste d’enquête dans les dossiers non résolus en exploitant les lignées paternelles pour retrouver un individu grâce à son nom de famille. Comme, en principe, les individus masculins d’une même lignée portent tous le même nom de famille, la technologie PatronYme permettra de cerner certains noms susceptibles de correspondre à celui du suspect.

Service d’ADN rapide 

Afin d’aider les autorités dans des cas urgents, comme une disparition ou une menace à la sécurité du public, le LSJML est dorénavant capable d’établir, grâce à un processus totalement automatisé, des profils génétiques à des fins de comparaison en deux ou trois heures seulement. Ce procédé, qui ne fonctionne qu’avec une quantité suffisante d’ADN, est toutefois réalisé avec l’aide d’un appareil portatif que le LSJML est en voie d’acquérir.