Un homme qui a agressé sexuellement huit femmes choisies au hasard dans les rues de Montréal souhaite purger sa peine de prison dans le confort de sa maison. C’est donc le deuxième agresseur en deux semaines qui tente de profiter de la loi C-5 pour obtenir une peine avec sursis, ce que tente d’éviter la procureure de la Couronne.

Sobhi Akra, 39 ans, a surpris toutes ses victimes de dos alors que certaines portaient des écouteurs aux oreilles. Il a empoigné leurs seins ou leurs parties génitales. Les agressions ont été commises entre octobre 2017 et novembre 2018.

L’homme a par exemple glissé sa main sous la jupe de l’uniforme scolaire d’une adolescente de 17 ans qui se rendait à l’école. Il a également touché les fesses et les parties génitales d’une femme en lui disant : « Tu es tellement sexy, je veux te donner du plaisir. » Il a agressé une victime qui attendait le train sur un quai de gare et une femme qui rentrait du gym. Deux des victimes sont d’âge mineur. Chaque fois, l’homme a pris la fuite en courant après les agressions.

Sobhi Akra a plaidé coupable, en janvier 2022, à cinq chefs d’accusation d’agression sexuelle et trois chefs d’accusation de tentative d’agression sexuelle, mais l’homme attend toujours sa peine. La Couronne a réclamé 22 mois de détention, l’automne dernier. La défense a plutôt demandé six mois d’incarcération pour ne pas nuire à la demande d’immigration de l’homme et ainsi lui éviter une expulsion vers son pays d’origine, le Liban.

Or, le juge Alexandre St-Onge a demandé mardi aux deux parties de se prononcer sur la loi C-5, adoptée en juin dernier par la Chambre des communes. Cette loi fédérale permet d’imposer une peine de prison à domicile à un agresseur sexuel, notamment.

Sobhi Akra est déjà admissible à une peine avec sursis, mais son avocat MRéginal Victorin a sauté sur l’occasion pour encourager le juge à trancher en faveur de cette option. « Ce que C-5 vient changer, à mon avis, c’est que la mesure de sursis n’est plus une mesure d’exception. Elle doit être encouragée », a-t-il plaidé au palais de justice de Montréal. Un interprète a traduit chacun des propos des avocats et du juge en arabe à l’intention de Sohbi Akra.

Le législateur va encourager la mesure de sursis [la prison à domicile] parce que c’est une mesure qui encourage la reprise en main.

MRéginal Victorin, l’avocat de Sobhi Akra

MCarolyne Paquin a plutôt martelé que la peine doit être proportionnelle à la gravité des crimes. Elle doit aussi permettre de préserver le lien de confiance entre le public et le système judiciaire, a-t-elle ajouté. « [On parle de] quelqu’un qui, sur une période d’un an, s’est porté à des actions intrusives à l’égard de huit femmes vulnérables, qui n’ont pas demandé à ce que monsieur commette de tels gestes sur leur personne », a-t-elle dit au juge.

« On demandait 22 mois de détention, a précisé MPaquin aux journalistes, à sa sortie de la cour. L’adoption du projet de loi C-5, ça ne change rien pour nous. On garde la position qu’on avait déjà formulée à la Cour. »

Le juge prononcera sa décision au début du mois d’avril.

« Retour en arrière »

Il y a deux semaines, un autre procureur de la Couronne, MAlexis Dinelle, a fait une sortie fort remarquée contre la loi C-5, après qu’un agresseur sexuel a été condamné à 20 mois de prison à purger dans la collectivité, au palais de justice de Montréal.

Jonathan Gravel, 42 ans, a pénétré sans avertissement une femme dans l’anus, en 2014. Il a été reconnu coupable en 2018, mais il a étiré les recours judiciaires. S’il avait reçu sa peine un peu plus tôt, soit avant l’adoption de la loi C-5, il n’aurait pas été admissible à la prison à domicile.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Gravel

« En ce moment, Justin Trudeau et [le ministre de la Justice] David Lametti ont probablement des comptes à rendre aux victimes d’agression sexuelle », a pesté le procureur MAlexis Dinelle. Il s’est dit inquiet de ce « retour en arrière » en matière de peines imposées aux agresseurs sexuels.

Notons que les peines avec sursis en matière d’agressions sexuelles avaient été abolies en 2007 par les conservateurs.