(Québec) Simon Jolin-Barrette mise sur la médiation et l’arbitrage afin de réduire les délais qui augmentent sans cesse pour avoir une audience devant la division des petites créances de la Cour du Québec.

À l’heure actuelle, les Québécois qui ont un dossier ouvert aux petites créances – qui entend les causes où le montant en litige est inférieur à 15 000 $ – attendent en moyenne deux ans (664 jours, plus exactement) avant d’obtenir une audience. Ce délai est « beaucoup trop long » et « totalement inacceptable » aux yeux du ministre de la Justice, et il n’a cessé de croître depuis le début de la pandémie.

M. Jolin-Barrette a déposé mercredi au Salon bleu le projet de loi 8, Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec. Ce projet de loi prévoit que le gouvernement encadrera par règlement le recours à la médiation et à l’arbitrage en procédant dans un premier temps par des projets pilotes.

« Les services de médiation et d’arbitrage s’appliqueront d’abord aux dossiers de moins de 5 000 $. Ils seront ainsi obligatoirement référés en médiation. Et dans les cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre, leur dossier sera automatiquement référé en arbitrage. Précisons que les dossiers de moins de 5 000 $ représentent plus de la moitié, donc plus de 50 % des dossiers déposés aux petites créances et que le taux d’entente en médiation pour ceux-ci est de plus de 60 % », a déclaré le ministre lors d’un point de presse au Parlement.

Des délais réduits

Selon M. Jolin-Barrette, cette nouvelle procédure permettra de régler les dossiers dans un délai de trois à neuf mois. « À terme, les gens pourraient sauver entre un an et demi et deux ans en moyenne pour que leurs dossiers soient réglés », a-t-il dit.

La division des petites créances de la Cour du Québec ouvre en moyenne par année entre 18 000 et 20 000 dossiers. La moitié de ces causes sont des litiges de moins de 5000 $. L’objectif du gouvernement est d’implanter la médiation progressivement, des causes de 5000 $ dans un premier temps à l’ensemble des dossiers aux petites créances d’ici « plusieurs années ».

Selon Simon Jolin-Barrette, la médiation et l’arbitrage ont fait leurs preuves au fil du temps.

« Dans la majorité des cas, la médiation permet aux parties de régler leurs litiges. Elle permet aux citoyens d’être impliqués dans la recherche de solutions et donc d’avoir plus de contrôle sur le règlement de leurs litiges. Soulignons aussi que le niveau de satisfaction des parties est souvent plus grand lorsqu’un dossier se termine par un règlement plutôt que par un jugement », a-t-il soutenu.

Le ministre de la Justice a également affirmé qu’il y avait assez de médiateurs au Québec pour transformer la division des petites créances comme il l’entend.

« On est correct. On a 500 médiateurs qui sont accrédités au Québec présentement. Puis, dans le fond, les notaires, les avocats peuvent être médiateurs », a-t-il dit.

Nomination des juges

Par ailleurs, le projet de loi 8 du ministre de la Justice entend permettre aux notaires qui pratiquent depuis au moins 10 ans d’accéder à la fonction de juge.

« Cela permettra également de valoriser la profession des notaires qui, soulignons-le, ont la même formation en droit que les avocats et jouent déjà un rôle important d’officier public dans notre société », a dit M. Jolin-Barrette.

« Les notaires se distinguent par une approche axée d’abord sur la prévention et la conciliation. Considérant que nous souhaitons miser davantage sur la médiation et les modes de règlement alternatifs des différends, leur expertise représente assurément un atout de taille », a-t-il ajouté.

Cette nouvelle disposition a surpris mercredi le Barreau du Québec, qui n’en avait pas été informé. La bâtonnière, MCatherine Claveau, a affirmé à La Presse qu’elle analysera les impacts de ce qui est proposé avant de se prononcer sur le fond.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

La bâtonnière du Québec, Me Catherine Claveau

« On est vraiment très surpris. Ce n’est pas quelque chose qui a été discuté en amont […] et tout d’un coup, on voit ça arriver dans une loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice », a affirmé MClaveau.

« Donc notre réaction à chaud, c’est de dire : d’où ça vient, pourquoi, et nous sommes vraiment surpris de ça. Je ne peux pas aller beaucoup plus loin que ça dans ma réflexion parce qu’elle n’est pas encore faite », a-t-elle ajouté, précisant qu’elle n’a aucune indication selon laquelle il manquerait de candidats aux postes de juge.

Par voie de communiqué, la Chambre des notaires a pour sa part indiqué qu’elle saluait l’initiative du projet de loi de permettre à ses membres d’avoir accès à la magistrature.

À ce jour, seuls les avocats membres du Barreau depuis au moins 10 ans pouvaient accéder aux plus hautes fonctions du tribunal. Le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral ont autorité pour nommer les juges.