(Joliette) Éric Rondeau a été reconnu coupable par le jury de conduite dangereuse causant la mort, jeudi, au terme de deux jours de délibérations. En voulant contourner des canards sur son chemin, le conducteur a roulé à contresens dans un virage et a tué un motocycliste de 19 ans.

Une cane et six canetons. C’est cette famille de canards qui est à l’origine de cette tragédie. Au volant d’une camionnette Ford F-150, laquelle traînait une remorque de ponton, Éric Rondeau s’est arrêté dans un virage sur la dangereuse route 345, le 22 juillet 2019, à Sainte-Élisabeth, près de Joliette.

Jusque-là, son geste n’avait rien de criminel. Il a patienté quelques secondes pour laisser les oiseaux traverser la route. Mais par impatience, par inconscience ou sous l’effet du stress, Éric Rondeau a décidé de contourner les canards retardataires en roulant dans la voie inverse. La visibilité dans ce virage était pourtant réduite.

PHOTO DÉPOSÉE EN PREUVE

On peut voir sur cette photo la famille de canards en train de traverser la route dans un virage. La camionnette de l’accusé est à l’arrêt.

Sa camionnette s’est même retrouvée complètement à contresens, alors qu’il circulait à très basse vitesse (18 km/h). C’est à ce moment que Félix-Antoine Gagné, 19 ans, est arrivé dans l’autre direction. En raison de la configuration de la route, le jeune motocycliste a réalisé trop tard qu’un véhicule se trouvait dans sa voie. Il n’a eu aucune chance.

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Quelques secondes plus tard, la camionnette d’Éric Rondeau est presque entièrement dans la voie inverse quand le motocycliste arrive dans l’autre direction.

La défense a fait grand cas dans le procès de la conduite du motocycliste, lui reprochant d’avoir roulé trop vite avant la collision. Il circulait alors à une vitesse de 90 à 100 km/h dans une zone de 70 km/h, selon un expert. Il avait également effectué des dépassements à plus de 100 km/h moins d’une minute plus tôt.

Or, cet aspect n’a visiblement pas influencé les jurés. À leurs yeux, la conduite d’Éric Rondeau a contribué de « façon appréciable » à la mort de la victime. D’ailleurs, dès le premier jour, le procureur de la Couronne MAlexandre Dubois avait prévenu le jury que ce procès n’était pas celui de la victime, mais plutôt celui de l’accusé.

Pour sa défense, Éric Rondeau a affirmé aux jurés qu’il s’était retrouvé sans le vouloir à contresens. Il a soutenu avoir eu les yeux fixés sur son rétroviseur pendant toute la manœuvre de contournement des canards, puisqu’il craignait l’arrivée de véhicules derrière lui. Visiblement, ce récit n’a pas convaincu le jury.

À ce sujet, le procureur avait plaidé auprès du jury qu’une personne raisonnable n’aurait pas « avancé aveuglément dans une courbe sans regarder où aller », de surcroît alors qu’il y a une ligne droite de 500 m derrière lui.

« La Couronne est extrêmement satisfaite du verdict. On espère pour [les membres de] la famille que le procès aura apporté des réponses et pourra les aider dans leur cheminement de deuil », a réagi MDubois, qui a fait équipe avec MJade Coderre.

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On peut voir la camionnette d’Éric Rondeau et l’imposante remorque dans la voie inverse. Notons que le véhicule a été légèrement reculé par rapport à sa position initiale.

Affaire similaire en 2010

Le procès d’Éric Rondeau n’est pas sans rappeler l’affaire de la « dame aux canards », qui avait fait les manchettes il y a une dizaine d’années. Une jeune femme, Emma Czornobaj, avait causé la mort d’un motocycliste et de sa fille dans une collision impliquant des canards.

La conductrice avait arrêté sa voiture sur la voie de gauche de l’autoroute 30, en juin 2010, pour sauver des canards qui se trouvaient près du muret. Le motocycliste André Roy et sa passagère, sa fille Jessie, 16 ans, avaient percuté de plein fouet le véhicule à l’arrêt de Mme Czornobaj.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Emma Czornobaj au palais de justice, en 2014

Comme Éric Rondeau, elle avait été reconnue coupable par un jury de conduite dangereuse causant la mort. Elle avait été condamnée à 90 jours de prison à purger les fins de semaine et à une suspension de permis de conduire pour 10 ans.

Les observations sur la peine d’Éric Rondeau devraient avoir lieu dans les prochaines semaines. Le procureur MAlexandre Dubois a décrit une cause « relativement complexe sur sentence ». L’avocat de la défense, MRichard Dubé, a mentionné la possibilité d’une peine avec sursis.

Les parties retourneront à la mi-février devant le juge Marc-André Blanchard.