La Sûreté du Québec (SQ) s’inquiète à son tour de la hausse « préoccupante » des décès liés à des collisions sur son territoire. En 2022, le corps policier en a recensé pas moins de 266, une hausse de près de 10 % par rapport à 2021. La hausse est d’ailleurs particulièrement marquée chez les piétons.

Des policiers très inquiets

« On redouble vraiment d’efforts pour faire de la prévention, mais malheureusement, ça part dans l’autre sens. On est très inquiets », confie le capitaine Paul Leduc, responsable du Service de la sécurité routière à la SQ, en entrevue avec La Presse. Selon lui, la nouvelle Stratégie de sécurité routière de la SQ, effective depuis 2021 et qui vise notamment des interventions plus « ciblées » dans des secteurs accidentogènes, mettra encore un peu de temps à faire sentir son impact. « Les gens peuvent penser que ça n’a pas l’effet souhaité, mais on sait de notre côté que ça aura un impact sur les mentalités avec le temps », poursuit M. Leduc.

Un sommet en dix ans

Il faut reculer à 2012 pour retrouver un chiffre aussi élevé de collisions mortelles sur le territoire de la Sûreté du Québec. Les 266 collisions mortelles de 2022 – associées à environ 291 décès – marquent une hausse de 8,5 % par rapport à 2021, année où on avait enregistré 245 collisions. Mais surtout, cela représente un bond d’environ 15 % par rapport à la moyenne depuis 2017, qui est de 232 collisions. « En 2019, on avait eu une année record avec seulement 217 collisions mortelles. Depuis ce temps-là, c’est vraiment reparti à la hausse », affirme M. Leduc. À l’échelle du Québec, en incluant les données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), il estime qu’environ 350 collisions mortelles surviennent chaque année, en moyenne.

Des piétons particulièrement vulnérables

Les hausses les plus marquées sont chez les piétons : en 2022, pas moins de 36 piétons sont morts sur le territoire de la SQ lors d’une collision, une hausse de 20 % en seulement un an. Depuis 2017, la moyenne était de moins de 26 piétons morts chaque année ; les chiffres de l’année montrent donc une tendance à la hausse de 40 % à ce sujet. Chez les cyclistes, sept décès ont été enregistrés en 2022, le même chiffre qu’en 2021. D’après la SAAQ, au cours des neuf premiers mois de 2022, quelque 39 piétons ont été tués au Québec, un chiffre qui est en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Le plus souvent, ces décès surviennent chez des personnes âgées, non loin de leur domicile. « Il va falloir porter encore plus d’attention et faire davantage d’interventions sécurisant les piétons », reconnaît d’ailleurs le capitaine Leduc. Depuis novembre, précise-t-il, la SAAQ dirige un comité analysant chaque collision mortelle impliquant un piéton. « J’y participe. On a avec nous des ingénieurs, des gens du ministère, de la police. Et on prend chacun des évènements, puis on analyse tout, pour ensuite recommander de changer la signalisation », assure l’officier.

Un relâchement, l’impact de la COVID-19 ?

Responsable de la sécurité routière depuis dix ans, Paul Leduc dit sentir un « relâchement » de la population dans « le respect des règles ». « Un des indices de ça, c’est le fait que dans 30 % de nos collisions, les gens ne portaient pas de ceinture. C’est énorme. Avant, ce chiffre-là était plutôt autour de 5 %. Ça a littéralement explosé ces dernières années, en même temps qu’une recrudescence des poursuites policières et d’excès de vitesse également », note-t-il. Sans avoir un « point de vue scientifique », le gestionnaire dit se demander chaque jour « si les gens ont envie d’être plus délinquants derrière le volant après avoir été confinés pendant plusieurs mois durant la pandémie ». « Peut-être que c’est un symptôme qui y est lié, oui. Il y a aussi eu énormément de déplacements au Québec pendant les restrictions de voyage », ajoute M. Leduc.

Bonne nouvelle chez les motos

L’un des voyants est toutefois au vert sur le tableau de bord du capitaine Leduc : le nombre de collisions mortelles impliquant une motocyclette, qui est en baisse de près de 20 % en 2022 par rapport à 2021, soit 43 contre 53. En fait, même la moyenne établie depuis 2017 est plus haute que la statistique annuelle, à environ 44. « C’est la bonne nouvelle de notre bilan, surtout que le nombre de motos ne fait qu’augmenter sur les routes. Et si on se compare à une dizaine d’années, c’était le double à plus de 70. On voit que nos campagnes de sensibilisation dans ce groupe ont eu un impact clair. C’est ce qu’on se souhaite pour le reste, maintenant », conclut M. Leduc. Il rappelle aussi qu’avec cinq décès par 100 000 habitants liés aux collisions mortelles, le Québec demeure la deuxième province la plus sécuritaire au Canada, derrière l’Ontario (4,6 par 100 000 habitants), mais surtout loin devant les États-Unis, à 13 décès par 100 000 habitants.

En savoir plus
  • 32 %
    La conduite imprudente et les excès de vitesse ont été responsables de 32 % des collisions l’an dernier, comparativement à 15 % pour la capacité de conduite affaiblie par l’alcool, les drogues ou la fatigue et 9 % pour l’inattention ou la distraction. Le bilan révèle aussi que le plus grand nombre de collisions mortelles s’est produit dans la région de Mauricie-Lanaudière, avec 45, suivie de l’Estrie–Centre-du-Québec (41) et l’Outaouais-Laurentides (38).
    Source : Sûreté du québec