Très peu de Canadiens détenus aux États-Unis sont rapatriés dans une prison canadienne chaque année et les délais de traitement de leur dossier par Ottawa sont encore très longs.

Un Canadien qui a été condamné aux États-Unis a le droit, après un certain temps, de demander à être transféré dans un établissement carcéral au pays pour finir de purger sa peine en bénéficiant des programmes de réhabilitation et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Il y a un an, un avocat spécialisé en la matière, MJacques Normandeau, déplorait que les transfèrements se faisaient au compte-gouttes et que les délais de traitement des dossiers dépassaient régulièrement les deux ans – et même frisaient les trois ans – alors que, selon lui, ils ne devraient pas durer plus de douze mois.

Même si, en octobre 2021, Marco Mendicino a remplacé son collègue Bill Blair comme ministre de la Sécurité publique, la situation des détenus canadiens qui veulent revenir au pays ne semble pas avoir évolué.

Selon des chiffres obtenus auprès du Ministère, des demandes de transfèrement vers le Canada de 134 Canadiens détenus aux États-Unis sont actuellement actives, dont 25 pour des rapatriements dans des prisons ou pénitenciers du Québec.

Pour toute l’année 2021, trois détenus ont été transférés des États-Unis vers des prisons canadiennes, toutes au Québec.

En 2022, jusqu’au 20 novembre, on en dénombrait six.

Ces chiffres de 2021 et de 2022 sont inférieurs à ceux des exercices précédents.

Nombre de transfèrements des États-Unis vers le Canada 

2016-2017 : 61

2017-2018 : 19

2018-2019 : 7

2019-2020 : 12

2020-2021 : 12

Source : ministère de la Sécurité publique du Canada

Un endroit qui fait peur

Un Québécois, client de MNormandeau et actuellement emprisonné dans un établissement à sécurité minimum de l’État de la Pennsylvanie, a accepté de nous raconter sa situation sous le couvert de l’anonymat.

Il a été condamné pour un crime économique à une peine de deux ans en novembre 2021.

Dès janvier 2022, il a fait simultanément une demande de transfèrement.

Quatre mois plus tard, les Américains ont accepté sa demande, mais il attend toujours des nouvelles du Canada.

Il craint de devoir purger en entier sa peine aux États-Unis, loin des siens.

« Je suis dans un établissement à 800 kilomètres de chez moi. L’établissement est entouré de clôtures et de fils barbelés. Je voudrais vraiment voir mes enfants, mais ils sont jeunes et c’est un endroit qui fait peur. J’ai peur qu’ils en gardent des séquelles. Cela fait dix mois que je ne les ai pas vus », a-t-il écrit à La Presse.

Si j’ai fait la demande, ce n’est pas pour être privilégié. Je ne demande pas davantage que les autres détenus, canadiens ou non. Je demande seulement, en tant que citoyen canadien, la possibilité de servir ma sentence près de mes enfants et de pouvoir être réhabilité selon les normes et standards canadiens.

Un Québécois emprisonné dans un établissement à sécurité minimum de l’État de la Pennsylvanie

Un dossier facile

Une fois que les services correctionnels américains ont accepté la demande, l’Unité des transfèrements internationaux du Service correctionnel du Canada doit monter un dossier.

Celui-ci inclut les documents judiciaires américains, un calcul de la durée de la peine et de la période d’admissibilité à une libération conditionnelle, un rapport de probation et une évaluation communautaire du détenu. Lorsque le dossier est prêt, le ministre de la Sécurité publique du Canada approuve la demande.

Selon MNormandeau, toutes ces étapes devraient être terminées dans un délai de neuf à douze mois, même moins dans un cas comme celui de notre détenu condamné à deux ans pour un crime de col blanc.

« Tu ne peux pas avoir un plus beau dossier de transfert au pays que celui-là », lance MNormandeau.

« Son dossier prendrait cinq minutes. Il n’y a même pas eu de demande d’extradition. Il a offert de se rendre lui-même aux États-Unis et de payer une amende. Il a même eu des conditions pour retourner au Canada en attendant la suite des procédures. Il ne s’attendait pas à recevoir une peine de deux ans », ajoute l’avocat.

MNormandeau affirme que la plupart du temps, ce sont le calcul de la durée de la peine qu’il reste à purger et la signature du ministre qui allongent les délais.

Il croit qu’une autre personne que le ministre devrait aussi pouvoir signer le transfert pour que les délais diminuent.

« Dans les gros cas, comme, par exemple, un importateur de cocaïne qui a reçu dix ans et plus, on devrait laisser le ministre décider. Mais dans les cas de crimes moins graves et de peines moins sévères, on devrait laisser ça à un responsable de Service correctionnel Canada. Je n’ai jamais vu une demande de transfert faite par un condamné à deux ou trois ans être refusée », explique MJacques Normandeau.

La Presse a demandé le 21 novembre au ministère de la Sécurité publique et au ministre Mendicino pourquoi le nombre de transfèrements ces deux dernières années est si faible.

Le 23 novembre, une porte-parole du Ministère nous a annoncé une déclaration à la fin de la journée qui n’est jamais venue, malgré de nombreuses relances.

Quant à notre détenu, il a appris le 30 novembre qu’il ne ferait pas partie de la liste de transfèrements prévus le 2 décembre. Dans le meilleur des scénarios, il devra attendre la prochaine fenêtre, prévue au printemps.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.