Le syndicat des policiers de Montréal a imposé deux constats d’infractions avec amendes de 24 000 $ à la Ville de Montréal parce qu’elle aurait omis de sécuriser les stationnements des postes de police, en contravention avec la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Les deux constats d’infractions ont été autorisés par le juge de paix Pierre Fortin et transmis à la Ville au cours des dernières semaines, selon des documents judiciaires consultés par La Presse.

La Fraternité des policiers et policières de Montréal a utilisé un article méconnu de la loi, qui prévoit qu’une association de salariés peut intenter des poursuites pénales par elle-même, si elle convainc un juge d’autoriser la poursuite.

« C’est rarissime. À un tel point que moi, je n’ai jamais fait face à ce genre de procédure. J’en ai parlé à un confrère qui m’a dit qu’en 25 ans de pratique en santé et sécurité du travail, il n’a jamais vu ça non plus », explique MCynthia Brunet, avocate en droit de la construction et de l’immobilier au sein du cabinet Donati Maisonneuve.

Risques d’agression

En janvier dernier, le tribunal administratif du travail avait ordonné à la Ville d’utiliser les techniques nécessaires pour bien identifier les risques d’agressions dans les stationnements des postes de police, dans un délai de six mois.

Le seul fait d’être policier constitue un risque d’agression de la part d’une certaine frange de la population. Ce risque ne disparaît pas du fait que l’on se retrouve dans un stationnement ou une voie d’accès à un poste de police.

Michel Larouche, juge administratif, dans son jugement

Dix mois plus tard, la Fraternité affirme que la Ville n’a pas agi.

Un premier constat d’infraction de 2250 $ a été imposé pour non-respect d’une décision du tribunal et un deuxième, assorti d’une amende salée de 21 750 $, reproche à la Ville d’avoir compromis « directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique ou psychique des policiers ».

« Au cours des dernières années, on a eu plusieurs méfaits sur les véhicules personnels des policiers, des boulons de roues dévissés dans plusieurs endroits différents à plusieurs reprises, des véhicules vandalisés », affirme le président de la Fraternité, Yves Francœur.

Fardeau de preuve élevé

La Ville de Montréal conteste les prétentions du syndicat. « La Ville n’ayant pas eu l’opportunité d’être entendue sur la question du délai, une demande en révision a été déposée au tribunal administratif du travail et le litige est présentement devant ce tribunal. Par ailleurs, la Ville enregistrera un plaidoyer de non-culpabilité à l’égard de tout constat d’infraction », affirme le porte-parole Gonzalo Nunez.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Président de la fraternité des policiers de Montréal-YVES FRANCOEUR

MCynthia Brunet souligne qu’il faudra une preuve solide pour démontrer que la Ville compromet « directement et sérieusement » la santé, la sécurité ou l’intégrité de ses policiers. Si la Ville conteste les constats d’infractions, le débat se fera devant la Cour du Québec, en chambre criminelle et pénale.

« On est en droit pénal, donc le fardeau de preuve, c’est hors de tout doute raisonnable, ici. Ils doivent démontrer en quelles circonstances [et face à] quel comportement quel travailleur a été directement et sérieusement en danger », dit-elle.