Trente perquisitions, deux laboratoires démantelés, plus d’un million de comprimés et cinquante kilogrammes de méthamphétamine en poudre saisis : le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a annoncé mercredi avoir fait « un trou dans la chaîne » de production de drogues de synthèse liée aux Hells Angels.

« On a frappé un grand coup », lance Francis Renaud, qui dirige la Division du crime organisé de la police montréalaise. En 48 heures, son groupe a réalisé 31 perquisitions dans plusieurs régions, dont neuf qui visaient mardi la distribution dans la rue. Plus de 1 million de comprimés d’amphétamines ont été saisis. « À 5 $ l’unité, on est déjà à 5 millions de dollars. C’est énorme », dit M. Renaud.

Seulement mercredi, deux laboratoires de production ont été démantelés, dont un à Entrelacs, dans Lanaudière. L’autre était situé en Ontario. Au passage de La Presse à Entrelacs, des techniciens en scène de crime et des policiers avaient érigé un large dispositif de sécurité.

« Ce sont essentiellement des sites d’encapsulage. Ici, on prend le produit fini, de la poudre de méthamphétamine, et on la mélange avec de la caféine pour faire le fameux comprimé. Si on fait le parallèle avec [l’émission] Breaking Bad, on est vraiment dans ce laboratoire insalubre qui fabrique la matière première », affirme le commandant, dont les équipes ont aussi fouillé « des sites servant d’entreposage ».

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Francis Renaud, commandant de la Division du crime organisé au SPVM

Saisir de telles quantités n’est pas sans risque : plusieurs centaines de litres de produits chimiques ont d’ailleurs été retrouvés mercredi. « On parle de produits chimiques hautement inflammables qui peuvent créer des explosions, le tout géré par des chimistes en herbe qui n’ont pas d’expérience là-dedans. Ce ne sont pas des laboratoires sophistiqués du tout », explique M. Renaud.

Lors des perquisitions, des quantités diverses d’ecstasy, de fentanyl, de cocaïne et de cannabis ont aussi été saisies, tout comme différentes armes prohibées, dont des pistolets à impulsion électriques, des poings américains ou des couteaux, et plusieurs milliers de dollars en comptant. Au total, 13 suspects ont été arrêtés, soit 12 hommes et 1 femme. Des accusations de production et de trafic de stupéfiants devraient être déposées. La police affirme qu’une « seconde phase d’arrestations est à prévoir ».

Un trou dans la chaîne

D’après le commandant, l’impact de l’opération sera non négligeable dans le milieu du crime organisé. « On a fait un trou dans la chaîne d’alimentation, assurément. Ce genre d’opérations, on n’en voit pas beaucoup au Québec », dit encore Francis Renaud.

On vient de créer un vide. À savoir si ce vide va être comblé demain, je ne pense pas, parce que ça prend toute une réorganisation. Mais justement, ce sera à nous de surveiller les ajustements que le crime organisé va prendre après tout cela.

Francis Renaud, commandant du SPVM

« Les revenus engendrés par la vente de ces amphétamines-là, ce sont les mêmes revenus qui servent à acheter les armes à feu qu’on voit dans nos rues. C’est à force de faire des trous comme ça, tous les jours, qu’on les déstabilise et qu’on les affaiblit, pour ne pas que personne ne prenne le contrôle et soit roi et maître dans notre province », martèle aussi le commandant.

Qui plus est, la production de ces drogues fait mal à l’environnement, observe le policier d’expérience. « Pour créer un kilogramme d’amphétamine, il y a six kilogrammes de déchets qui vont être dilapidés dans notre nature. Dans un souci pour notre planète, on n’est pas là, mais pas du tout. »

Une enquête encore active

Près de 300 policiers ont été affectés à cette vaste frappe antidrogue, mardi et mercredi. L’opération a visé plusieurs municipalités du Québec, notamment dans Lanaudière, la Mauricie et les Laurentides. Des opérations ont aussi eu lieu en Ontario, particulièrement dans les comtés de Hastings et Napanee.

Signe que l’opération était majeure, plusieurs autres corps policiers ont d’ailleurs été mis à contribution, dont la Sûreté du Québec et la Police provinciale de l’Ontario. Le tout découle d’une longue enquête amorcée l’an dernier par l’équipe Antigang de la Division du crime organisé. L’investigation a révélé « qu’une partie de la drogue produite par le réseau était écoulée à Montréal, à Québec et sur la Côte-Nord ».

Francis Renaud l’assure : l’enquête se poursuit. « Ça ne sera pas par pur hasard si on frappe à nouveau prochainement. Nos gens des bureaux des drogues seront sur les lieux de plusieurs perquisitions encore quelques jours », conclut-il, en appelant toute personne ayant des informations pertinentes à contacter le 911, ou encore le centre Info-Crime Montréal, au 514 393-1133.