Tanvir Singh s’est acharné avec une violence inouïe sur une fillette de 10 ans en mars dernier pendant un épisode psychotique. Même s’il entend toujours des voix et a cessé de prendre sa médication à l’insu de tous, il assure être parfaitement rétabli. La Couronne demande ainsi que lui soit imposé un statut rarissime en raison de sa dangerosité.

« Le risque de rechute psychotique et de violence chez monsieur demeure important », a conclu la psychiatre France Proulx dans une expertise déposée en preuve mercredi dans le cadre d’une requête de la Couronne.

Tanvir Singh a été déclaré non criminellement responsable (NCR) en raison de ses troubles mentaux en juillet dernier. Le ministère public réclame maintenant qu’il soit déclaré accusé à haut risque, une désignation rarissime réservée aux délinquants NCR à haut risque de récidive violente. Elle permet de restreindre considérablement leurs sorties à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique.

Cette agression gratuite avait choqué le Québec le printemps dernier. Sans raison, l’homme de 21 ans a attaqué violemment une fillette de 10 ans qui marchait avec des amies sur le trottoir à l’heure du midi à Pointe-aux-Trembles. Quand la fillette lui a souri, Tanvir Singh a soudainement sorti un couteau de type X-Acto de ses poches, sans toutefois l’utiliser.

« M. Singh a agrippé [la victime], l’a frappée avec ses poings, lui a donné des coups de pied et a fracassé sa tête sur le sol. M. Singh a traîné la victime dans la rue, puis sur le trottoir où il a continué de la frapper », indique le résumé des faits.

Deux bons samaritains sont heureusement intervenus pour secourir la fillette. Celle-ci a subi une commotion cérébrale et une fracture du nez. Elle conserve des séquelles physiques et psychologiques de l’agression.

Envahi par des « voix »

Les rapports psychiatriques déposés en preuve lèvent le voile sur les circonstances de cette troublante affaire. La veille de l’agression, Tanvir Singh aurait demandé une arme à un autre résidant de son immeuble pour faire une « tuerie de masse à son ancienne usine », indique un rapport.

Le soir même, Tanvir Singh est parti en taxi de sa résidence de Brampton, en Ontario, pour aller chercher son auto à Montréal, « perdue » depuis deux mois. Envahi par des « voix » le lendemain matin, Tanvir Singh a eu l’idée d’aller tuer le superviseur de son ancien employeur, indique le rapport.

Tanvir Singh aurait alors volé un couteau de type X-Acto dans le vestiaire de l’usine, puis aurait tenté d’attirer son superviseur dans le stationnement pour l’agresser. Comme son plan n’a pas fonctionné, ses « voix » riaient de lui, selon le rapport. Il serait ensuite retourné à l’usine pour se cacher dans les toilettes dans le but d’attaquer son superviseur. Un employé l’aurait toutefois surpris, le poussant à quitter les lieux.

C’est en sortant de l’usine que Tanvir Singh aurait finalement croisé la fillette et ses amies sur le boulevard du Tricentenaire. À ce moment, une voix dans sa tête, une « fille » qu’il appelle « The character », lui hurlait des nombres et lui disait de faire du mal à autrui. Il entendait régulièrement la voix de « The character » depuis des mois, selon les rapports.

Quatre mois après ces évènements, Tanvir Singh a cessé de prendre sa médication pendant quelques jours, à l’insu du personnel de l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel, apprend-on dans la requête de la Couronne. Le délinquant considérait que sa médication était « peu utile » et qu’il n’avait plus besoin de traitement. Il a toutefois remarqué une augmentation de ses hallucinations auditives et a repris sa médication.

Pendant sa plus récente évaluation psychiatrique, Tanvir Singh s’est montré « empressé à démontrer la stabilité de ses symptômes », écrit la Dre Proulx dans son rapport. Le jeune homme considère en effet que ses symptômes psychotiques sont « complètement résolus et qu’il ne présente pas de risque de violence, étant donné que les symptômes sont sous contrôle ». Or, il entendait toujours des voix le mois dernier.

Selon la psychiatre France Proulx, l’état mental de Tanvir Singh demeure « fragile » et sa reconnaissance de sa maladie demeure « limitée ». « Une détention demeure encore nécessaire. S’il était déclaré accusé à haut risque, ceci permettrait d’assurer la protection du public », conclut-elle dans le rapport.

C’est en se basant sur ces conclusions que la procureure de la Couronne, MAnnabelle Sheppard, demande de déclarer Tanvir Singh accusé à haut risque. L’avocate de la défense, MMilèva Camiré, envisage toutefois de demander une contre-expertise et a demandé un mois de plus au juge Alexandre Dalmau à cet effet.