Un ex-policier de Trois-Rivières « jaloux et contrôlant » qui a fait vivre l’enfer de la violence conjugale à deux femmes s’en est tiré vendredi avec un casier judiciaire et une probation de trois ans, alors que la Couronne réclamait 11 mois de prison. David Ross espère toujours redevenir policier et enseigner à l’École nationale de police.

« Plate » et « tannant ». C’est ainsi que l’ex-policier de Trois-Rivières, destitué en 2021, a résumé son comportement à l’égard des deux victimes, selon le rapport présentenciel. En plus de minimiser les faits, David Ross insistait toujours l’an dernier sur le « rôle des victimes », à qui il reprochait de ne pas avoir pris leurs « pilules ».

Mais ses « remords » tardifs devant la cour, sa thérapie « holistique » avec une coach de vie et sa destitution des forces policières semblent toutefois avoir convaincu le juge André Perreault que David Ross devait éviter la prison. En effet, le juge n’explique pas clairement pourquoi il écarte la suggestion de la poursuite.

« La société a plus à retirer d’une telle peine que d’une peine d’emprisonnement », a brièvement conclu le juge Perreault au bout de deux heures de lecture. Il a ainsi condamné David Ross à un sursis de peine et à une probation de trois ans pendant laquelle il devra participer à une thérapie pour homme violent. Le juge a cependant refusé de lui accorder une absolution inconditionnelle, une peine particulièrement clémente.

David Ross a plaidé coupable l’an dernier à deux chefs de harcèlement criminel à l’égard d’ex-conjointes dans les années 2000 et 2010 et à un chef pour avoir utilisé frauduleusement un ordinateur afin d’effectuer une vingtaine de recherches dans les banques de données policières.

Une emprise totale

La violence conjugale psychologique exercée par David Ross était marquée par « la surveillance, la jalousie et le contrôle », selon le juge. Alors qu’il était policier, il exerçait en effet un « contrôle total » sur la vie de sa première victime : sa nourriture, ses vêtements, ses sorties, ses fréquentations, etc.

À l’occasion, David Ross frappait dans les murs, claquait des portes, se frappait dans les mains, se tirait les cheveux et serrait les bras de la victime. Quand la femme a réussi à le quitter, le policier s’est littéralement accroché à sa jambe pour la retenir. Il est même allé jusqu’à passer plusieurs fois devant la nouvelle maison de la victime, alors qu’il était en service.

Dix ans plus tard, David Ross a fait vivre le même cauchemar à sa copine, exerçant un contrôle de tous les instants. Pendant un évènement mondain, il l’a agrippée par le bras pour l’amener voir quelqu’un. Un soir, il l’a poussée brusquement en se réveillant. Apeurée, elle l’a quitté le lendemain. Mais quand elle a tenté d’organiser en cachette son déménagement avec des amis, le policier est débarqué sur place. La victime était terrorisée. Après leur rupture, David Ross a continué d’appeler souvent la femme, et même la mère de celle-ci.

Encore aujourd’hui, la victime est « envahie par la peur » dès qu’elle s’approche de Trois-Rivières et craint toujours les foudres de David Ross.

David Ross ne s’est pas gêné pour fouiller la vie de ses fréquentations dans le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ), le grand répertoire d’information criminelle de la province. Le policier a ainsi effectué une vingtaine de recherches concernant les véhicules et les adresses de quatre femmes entre 2013 et 2018.

Malgré la gravité des crimes, le président de l’Association des policiers de Trois-Rivières, Serge Mailloux, s’est porté à la défense de David Ross pendant les procédures, le qualifiant de policier « exemplaire et dévoué », digne de la « garde d’honneur » du service.

Le syndicat conteste en effet la destitution de David Ross, prononcée par la Ville à la suite de sa reconnaissance de culpabilité l’an dernier. S’il remporte son grief et réussit à réintégrer les forces policières, un « poste communautaire » à la police de Trois-Rivières l’attend, aux dires de Serge Mailloux.

David Ross espérait obtenir une absolution inconditionnelle, entre autres, parce qu’il espère toujours reprendre l’enseignement. Il a en effet enseigné pendant des années à l’École nationale de police du Québec. Il souhaitait également se joindre au C.A. de l’Accord Mauricie, un organisme voué aux hommes violents.

Après avoir minimisé ses gestes devant l’agent de probation en 2021, David Ross a tenu un autre discours devant le juge cette année, qualifiant son comportement de « honteux » et « inacceptable ». Il se disait un homme changé grâce à sa thérapie auprès d’une coach de vie et de soins d’acupuncture.

S’il a déjà utilisé les termes « tannant » et « plate » pour décrire son comportement, c’est seulement parce que les victimes employaient ces mots, s’est-il défendu. Jamais, devant la Cour, David Ross n’a admis avoir commis de la violence conjugale, souligne le juge. L’ex-policier s’est cependant plaint de perdre 2 millions de dollars en raison de sa destitution, comme il gagnait plus de 100 000 $ par année.

MJennifer Morin a représenté le ministère public, alors que l’accusé était défendu par MDenis Gallant.