Québec demande à la Cour suprême du Canada d’intervenir dans l’affaire du procès secret qui s’est déroulé récemment au Québec, afin que certaines informations puissent être rendues publiques, tout en protégeant l’identité de l’informateur de police qui était accusé dans le cadre de cet exercice sans précédent.

« Ce jugement a suscité d’importants questionnements et inquiétudes dans la population québécoise et a porté atteinte à la confiance du public envers l’administration de la justice », écrivent les deux avocats du Procureur général du Québec, MPierre-Luc Beauchesne et MSimon-Pierre Lavoie, dans leur requête à la Cour suprême.

Québec demande que la Cour suprême intervienne pour que le dossier soit renvoyé en Cour d’appel et que celle-ci procède au descellement partiel de son dossier.

« Un descellement partiel du dossier de la Cour d’appel, même lourdement caviardé, est nécessaire afin de donner un caractère tangible et une matérialité à la présente affaire, et ce, dans le contexte où aucune trace du procès de première instance n’existe », expliquent les avocats du Procureur général du Québec.

Le public doit avoir accès au dossier physique de la Cour d’appel, et non uniquement au jugement rendu, et ce, même si plusieurs éléments seraient caviardés. Ceci est essentiel afin que cesse la perception que la présente affaire n’existe que dans la mémoire des parties concernées.

Les avocats du Procureur général du Québec

« Il en va d’une saine administration de la justice et de la confiance du public envers celle-ci », poursuivent-ils.

Hors des canaux habituels

Au cours de la dernière année, la Cour d’appel a découvert, puis déploré, qu’un procès criminel s’était tenu de façon secrète au Québec. La Couronne, la défense et le juge s’étaient entendus pour procéder hors des canaux habituels, invoquant la nécessité de protéger l’identité de l’accusé, qui travaillait comme informateur de police.

La seule trace de cet exercice qui subsistait était dans la mémoire des participants, selon la Cour d’appel, qui dénonçait un arrangement « incompatible avec les valeurs d’une démocratie libérale ».

La Cour a toutefois refusé de rendre public le nom du juge qui s’était plié à un tel arrangement, ainsi que le nom des procureurs et des avocats impliqués, qui ne peuvent donc répondre de leurs gestes devant le Barreau et le Conseil de la magistrature. La Presse a déjà révélé que les procureurs étaient rattachés au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), la Couronne fédérale.

Leur ancien patron, André Albert Morin, a déclaré à La Presse qu’il n’avait jamais autorisé une telle façon de procéder. MMorin a depuis quitté son poste et s’est fait élire lundi dernier dans la circonscription de l’Acadie sous la bannière du Parti libéral du Québec.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC

André Albert Morin a déclaré ne pas avoir autorisé la tenue du procès secret tel qu’il s’est déroulé.

La directrice des poursuites pénales du Canada, Kathleen Roussel, refuse depuis le début de cette affaire de dire si son organisme a utilisé les mêmes façons de faire dans d’autres dossiers ailleurs au pays afin de faire condamner des accusés sans que le public en soit informé.

Un groupe de médias, dont fait partie La Presse, a déjà demandé à la Cour suprême d’intervenir dans ce dossier.