L’entreprise montréalaise d’analyse balistique accusée d’avoir corrompu des représentants du gouvernement des Philippines pour obtenir des contrats publics avec la police locale s’est entendue avec les procureurs de la Couronne fédérale afin de reconnaître ses torts, payer une pénalité et éviter un procès criminel.

Des accusations avaient été portées par voie de sommation la semaine dernière contre Ultra Electronics Forensic Technology et quatre de ses anciens dirigeants ou employés établis à Montréal, à la suite d’une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon la police, des pots-de-vin auraient été versés par l’entremise d’un agent commercial aux Philippines dans le but de remporter des contrats publics.

L’entreprise montréalaise a développé et commercialisé dans les années 1990 le système IBIS, pour « Integrated Ballistics Identification System », un système d’analyse informatisé qui permet de relier un projectile d’arme à feu retrouvé sur une scène de crime à l’arme qui l’a tiré.

L’IBIS a révolutionné les enquêtes sur les crimes par armes à feu et a été adopté par les services de police d’environ 70 pays.

Une affaire qui remonte à plus de cinq ans

Mercredi matin, les représentants d’Ultra Electronics Forensic Technology ont expliqué devant la Cour du Québec que l’entreprise avait conclu un « accord de poursuite suspendue » avec le Service des poursuites pénales du Canada.

Ce nouveau programme, aussi appelé « accord de réparation », permet aux entreprises qui sont accusées de crime de reconnaître les faits, faire le ménage à l’interne et payer une pénalité, afin d’éviter un procès criminel et une condamnation qui pourrait leur fermer la porte des marchés publics. L’accord doit maintenant être approuvé par la Cour supérieure du Québec.

« Nous nous attendons à ce que cet accord soit annoncé prochainement et que d’autres détails soient communiqués dès que le processus d’approbation par le tribunal aura progressé », a déclaré la maison-mère de l’entreprise dans un message envoyé à La Presse.

« Aucune personne impliquée dans cette affaire n’est encore à l’emploi dans l’entreprise et le contrat n’est plus en vigueur. L’affaire en question remonte à plus de 5 ans, et nous avons confiance en la direction actuelle, en la culture, aux systèmes et aux mécanismes de surveillance de l’entreprise », poursuit la missive.

Ces accords ne s’appliquent toutefois qu’aux entreprises. Les anciens employés ou gestionnaires Robert Walsh, Tim Heaney, René Bélanger et Michael McLean devront quand même avoir leur procès pour fraude et corruption d’agent public étranger à une date indéterminée.

Les anciens employés et cadres toujours accusés

Les accords de poursuite suspendue ont été créés par le gouvernement Trudeau en 2018. C’est ce genre d’entente que SNC-Lavalin avait tenté, sans succès, d’obtenir pour éviter un procès criminel dans le dossier de la corruption en Libye, ce qui avait provoqué une crise au sein du cabinet de Justin Trudeau et mené au départ de l’ancienne ministre Jody Wilson-Raybould du caucus libéral.

De tels accords existaient déjà dans plusieurs pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni. Le premier accord de poursuite suspendue de l’histoire du Canada a été conclu en mai dernier, dans le cadre d’un autre dossier impliquant SNC-Lavalin et un fonctionnaire corrompu de la Société des ponts fédéraux.