Un ex-chiropraticien montréalais accusé au criminel d’agression sexuelle sur une patiente a bénéficié d’un arrêt des procédures, car son ordre professionnel a incorrectement transmis à la plaignante le jugement du conseil de discipline portant sur les mêmes faits. Une décision portée en appel par la Couronne.

Accusé au criminel en août 2020, Frederick Mark Zarow faisait face en parallèle à des accusations déontologiques devant l’Ordre des chiropraticiens du Québec. En novembre 2021, le conseil de discipline de son ordre l’a déclaré coupable d’avoir posé des « gestes abusifs à caractère sexuel » à l’égard d’une patiente en mai 2020. L’homme de 57 ans a écopé de 10 ans de radiation en février 2022.

Pour assurer à Frederick Mark Zarow son droit à ne pas s’incriminer, une ordonnance de non-publication, non-divulgation et non-diffusion de la preuve de la défense et de l’argumentation des parties avait été imposée par le conseil de discipline jusqu’à la fin du procès criminel. Or, la syndique de l’Ordre a tout de même transmis le jugement à l’enquêteuse et à la plaignante dès le lendemain. La procureure du ministère public l’a ensuite obtenu par l’entremise de l’enquêteuse.

Arrêt du processus judiciaire

Aux yeux de la juge Julie Riendeau de la Cour du Québec, il s’agit d’une atteinte au droit de l’accusé à un procès équitable et au droit au silence. Le seul remède possible est donc l’arrêt du processus judiciaire, tranche-t-elle, dans sa décision du 19 juillet dernier.

Le jugement du conseil de discipline révèle « non seulement la défense de l’accusé mais sa stratégie de défense », fait valoir la juge. « Le Tribunal est d’avis qu’il serait difficile, sinon impossible, de déterminer l’impact de cette divulgation sur son témoignage éventuel », conclut-elle en quelques paragraphes.

Quant à l’enquêteuse, elle a témoigné n’avoir lu que la première page du jugement mentionnant l’ordonnance. Une affirmation « douteuse », selon la juge. Toutefois, un arrêt du processus judiciaire n’était pas nécessaire en raison de la transmission du jugement à l’enquêteuse et à la procureure.

Le ministère public proposait ainsi d’écarter complètement du procès l’enquêteuse et la procureure MKahina Rougeau Daoud (qui n’a jamais été en contact avec la plaignante), puis de nommer un procureur d’un autre district. Ce remède était acceptable, selon le juge.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales se tourne maintenant vers la Cour d’appel du Québec pour infirmer cette décision et demander la tenue d’un nouveau procès. Dans un avis d’appel déposé en août dernier, le ministère public soutient que la juge Riendeau a erré en concluant à une atteinte aux droits de l’accusé. Ce dernier est défendu par MRose-Mélanie Drivod.

D’autres fautes

Frederick Mark Zarow n’en était pas à sa première accusation criminelle. Il avait en effet été condamné à 90 jours de prison la fin de semaine en juin 2010 après avoir plaidé coupable à un chef d’exploitation sexuelle à l’égard d’un adolescent, indique le plumitif informatisé.

En juillet 2020, Frederick Mark Zarow s’était engagé volontairement devant son conseil de discipline à ne pas pratiquer auprès des femmes pendant la durée des procédures devant son ordre professionnel. Or, il n’a pas respecté cet engagement, exerçant la chiropractie auprès de deux patientes entre août et septembre 2021.

Frederick Mark Zarow a de plus reconnu avoir commis plusieurs entorses à sa pratique, notamment en lien avec la COVID-19. Il a également remis des reçus de services de massothérapie aux patientes. Le conseil de discipline lui a imposé en juin 2022 une radiation temporaire de trois mois et une amende de 5000 $.

Appelé à réagir, l’Ordre des chiropraticiens du Québec s’est fait avare de commentaires. « Nous avons pris acte de la décision de la juge Riendeau ; décision pour laquelle un appel a été logé », a indiqué par courriel MEric Millette, directeur des affaires juridiques et secrétaire adjoint de l’Ordre.

Notons que Frederick Mark Zarow a démissionné de l’Ordre en septembre 2021, puis a été radié administrativement du tableau en octobre suivant. Néanmoins, sur son site web, l’ex-chiropraticien continue d’offrir ses services pour des traitements de « thérapie sportive » et des « soins d’urgence », à la Clinique Zarow, située rue Saint-Denis dans le quartier Rosemont à Montréal.

Joint au téléphone, M. Zarow a confirmé à La Presse prendre toujours des rendez-vous pour des soins. Il a toutefois raccroché lorsqu’on l’a questionné sur la présente affaire. À ce sujet, l’Ordre indique « effectue[r] une vigie en continu de l’application de la décision via son comité sur l’exercice illégal […] comme dans tous les cas de radiation d’un membre ».