(Ottawa) Un officier des Forces armées canadiennes qui avait exhorté d’autres militaires à désobéir aux ordres, et à ne pas participer à la distribution de vaccins contre la COVID-19, a écopé d’une réprimande et d’une amende, jeudi en cour martiale, après s’être excusé pour sa « démonstration publique de déloyauté ».

L’instructeur de cadets Laszlo Kenderesi, âgé de 60 ans, a présenté ses excuses dès l’ouverture de ce procès sans précédent en cour martiale. Il a plus tard été condamné à une réprimande sévère et à une amende de 4200 $, après avoir plaidé coupable au chef d’accusation de « conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline ».

La police militaire avait au départ accusé M. Kenderesi d’avoir tenté de « persuader une autre personne de prendre part à une mutinerie », pour laquelle il encourait une peine maximale de prison à vie. Mais les procureurs ont finalement retiré ce chef d’accusation avant le début du procès jeudi.

M. Kenderesi faisait également face à l’accusation de s’être « conduit d’une manière scandaleuse et indigne d’un officier », mais cette accusation a été automatiquement suspendue lorsque le juge militaire Martin Pelletier a accepté son plaidoyer de culpabilité sur le chef de conduite préjudiciable.

Qualifiant cette affaire d’« unique » en son genre, le juge Pelletier a déclaré en prononçant la peine que l’accusé n’était pas puni pour ses opinions personnelles sur les vaccins, mais pour avoir participé — et exprimé publiquement son soutien — à des manifestations antivaccins alors qu’il portait l’uniforme.

« Il est encore plus inacceptable que l’officier Kenderesi incite les membres des Forces armées canadiennes à désobéir aux ordres […] en ce qui concerne les tâches prévues d’aider à la distribution de vaccins », a déclaré le juge militaire.

M. Pelletier a mentionné à plusieurs reprises l’absence de précédent — une très bonne chose, selon lui. « Le tribunal et l’avocat n’ont connaissance d’aucun autre cas où un officier des Forces armées canadiennes a assisté, en uniforme, à une manifestation contre une action gouvernementale très médiatisée et a pris un microphone pour demander aux membres des Forces armées canadiennes de refuser l’ordre d’exercer des fonctions légitimes », a-t-il dit.

Les « vaccins tueurs »

Ce procès en cour martiale est lié à un discours prononcé lors d’un rassemblement contre les confinements sanitaires, en décembre 2020 à Toronto. M. Kenderesi, vêtu de son uniforme militaire complet, s’était alors prononcé contre ce qu’il a appelé les « vaccins tueurs ».

« J’appelle tous les militaires à faire de même, à ne pas accepter d’ordres injustes, qui consisteraient à donner et à distribuer des vaccins », avait déclaré M. Kenderesi, selon une transcription lue au tribunal. Une vidéo de son discours avait ensuite été mise en ligne.

L’armée canadienne venait tout juste, quelques jours plus tôt, de recevoir officiellement le mandat de planifier la distribution aux provinces des vaccins contre la COVID-19, alors que Santé Canada amorçait les dernières phases de son examen des vaccins candidats de Pfizer et de Moderna.

M. Kenderesi a exprimé jeudi des remords pour ses gestes, avant les observations sur la peine. « J’ai eu tort de me présenter comme un membre des Forces armées canadiennes pour exprimer publiquement mes opinions privées, a déclaré l’accusé. J’ai abusé de la confiance qui accompagne le privilège de porter l’uniforme des Forces armées canadiennes. Je suis désolé.

« Ce n’était pas à moi de remettre en question les ordres de la chaîne de commandement, a-t-il ajouté. J’ai enfreint le principe fondamental du service en ne soutenant pas l’autorité légitime de la chaîne de commandement. J’ai honte de mon étalage public de déloyauté. »

La Hongrie soviétique

Dans une déclaration sous serment déposée au dossier, le tribunal a appris que Kenderesi était né et avait grandi en Hongrie alors que ce pays était sous l’influence de l’Union soviétique, et que les confinements sanitaires liés à la COVID-19 en 2020 l’avaient affecté à la fois émotionnellement et financièrement. Sa femme a perdu son emploi, et son entreprise de camionnage s’est effondrée, après quoi il a déclaré faillite.

Le tribunal a également appris que même si M. Kenderesi s’est joint pour la première fois aux Forces armées canadiennes en 1978 et a servi pendant des années comme instructeur des cadets de la Réserve à la base de Borden, il n’a eu pratiquement aucun contact avec l’armée après 2018.

L’avocat de la défense, le major Alexandre Gélinas-Proulx, a tenté d’utiliser ces arguments comme facteurs atténuants, mais la procureure Jennifer Besner a fait valoir que le problème sous-jacent dans cette affaire était celui de l’application de la discipline.

« La discipline est la qualité que chaque militaire soit avoir, ce qui lui permet de faire passer les intérêts du Canada et les intérêts des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels », a plaidé la lieutenante-commandeure Besner.

« C’est essentiel parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir volontairement et rapidement aux ordres légitimes qui peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur des personnes. »

La défense et la poursuite s’entendaient néanmoins pour recommander au juge Pelletier de condamner Kenderesi à une réprimande sévère et à une amende de 4200 $. Ils ont ajouté que l’officier avait déjà effectué 80 heures de service communautaire.

Un précédent

Bien que le juge Pelletier ait finalement accepté les recommandations communes de la défense et de la poursuite, et reconnu les tensions émotionnelles et financières auxquelles l’accusé était confronté à l’époque, il a tout de même souligné la gravité des gestes posés.

L’issue de cette affaire pourrait en effet avoir des répercussions sur de futurs procès en cour martiale de militaires qui se sont publiquement prononcés contre la vaccination obligatoire et d’autres politiques gouvernementales.

C’est le cas de l’adjudant James Topp, réserviste de l’armée qui a été accusé lui aussi plus tôt cette année de deux chefs de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, pour avoir dénoncé, vêtu de son uniforme, les vaccinations obligatoires.

M. Topp est depuis devenu une célébrité pour certains Canadiens opposés non seulement aux vaccins et aux restrictions sanitaires, mais de façon plus générale au gouvernement libéral fédéral. Il parcourt actuellement tout le pays à pied.