Sergio Piccirilli, qui entretient des liens avec la mafia et les motards selon la police, et qui avait été au cœur d’un conflit entre les clans mafieux D’Amico et Rizzuto qui avait failli dégénérer en guerre ouverte au milieu des années 2000, peut retourner chez lui.

Les commissaires aux libérations conditionnelles du Canada viennent d’accorder à l’homme de 62 ans sa libération conditionnelle totale après avoir étudié son dossier.

Piccirilli, qui purge depuis 2016 une peine de 15 ans de pénitencier pour gangstérisme, possession d’arme, complot et trafic de stupéfiants, était en maison de transition depuis février dernier.

« Il est à noter que depuis l’année dernière, vous avez posé des gestes concrets qui font croire à votre agent de libération que vous voulez mener une vie à l’écart du monde criminel. Jusqu’à présent, votre agent n’a reçu aucune information indiquant que vous entretenez des liens avec des personnes criminalisées. Des sources policières leur disent que vous vous tenez à l’écart des mauvais associés. De plus, lors de votre séjour à la maison de transition, vous avez été très coopératif, n’avez commis aucun manquement grave depuis votre admission et vous êtes poli et respectueux envers le personnel et les autres résidants », écrivent notamment les commissaires dans leur décision de six pages rendue publique vendredi.

« Dans l’ensemble, on note que vous avez de bonnes aptitudes sociales. Votre attitude est docile et calme, et bien que vous soyez une personne sociable, vous n’avez pas cherché à créer des liens significatifs avec vos concitoyens, préférant vous concentrer sur votre propre vie sociale et familiale », ajoutent-ils.

Les commissaires imposent toutefois des conditions à Piccirilli. Ainsi, l’ancien motard devra divulguer toutes ses transactions financières, ne pourra posséder plus d’un appareil de communication, devra dévoiler toutes ses communications, ne pourra fréquenter tout individu ayant des antécédents criminels ou étant impliqué dans une organisation criminelle, et ne pourra fréquenter les débits de boisson.

« Envoie-moi des fleurs »

En 2005, les enquêteurs de l’enquête anti-mafia Colisée de la GRC avaient assisté en direct à une montée des tensions entre les clans D’Amico de Granby et Rizzuto de Montréal pour une affaire de dette à la suite d’une exportation de marijuana qui aurait mal tourné, selon les informations disponibles à cette époque.

Piccirilli était entré dans le café Consenza, ancien quartier général du clan des Siciliens sur la rue Jarry, en exhibant la crosse d’un pistolet à sa ceinture.

« Ce gars-là a des couilles », avait dit Francesco Arcadi sur les lignes téléphoniques écoutées par la police.

Un an plus tard, un enquêteur de la GRC s’était rendu chez Piccirilli pour le prévenir que sa vie était en danger.

« Je peux faire quelque chose pour toi ? », lui avait demandé le policier.

« Envoie-moi des fleurs », lui avait répondu le motard avant d’appeler son ancienne maîtresse, Sharon Simon, la « Reine de Kanesatake », pour se procureur une arme dans le but de « se protéger », a-t-il dit aux commissaires des libérations conditionnelles.

Par la suite, Piccirilli, dont le surnom est Grizzly, a été l’un des fondateurs des Devils Ghosts, un club-école des Hells Angels.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Sergio Piccirilli portant sa veste des Devils Ghosts, à gauche.

CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE D’UNE VIDÉO DÉPOSÉE EN COUR

Salvatore Cazzetta (à gauche) et Sergio Piccirilli filmés en 2006 durant l’enquête Cléopâtre, menée par les policiers de l’ancienne Unité mixte d’enquête sur le crime organisé (UMÉCO) autochtone de la GRC.

En 2019, il a été victime d’un empoisonnement au pénitencier. La police considère qu’il a été la cible d’une tentative de meurtre, car du fentanyl et du carfentanil – des substances puissantes et mortelles si non consommées en doses infimes – auraient été retrouvés dans l’une de ses bouteilles d’eau parfumées.

Mais Piccirilli a dit aux commissaires qu’il refusait de croire qu’il avait victime d’une tentative de meurtre.

« Si quelqu’un avait essayé de me tuer, j’aurais été le premier à le savoir », a-t-il simplement expliqué.

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