Pour la première fois depuis que la police a annoncé que Frédérick Silva a commencé à collaborer avec elle il y a un mois et demi, des révélations du tueur à gages ont été divulguées en cour mercredi, au palais de justice de Montréal, a appris La Presse.

Ces révélations, « de plus ou moins 60 pages et caviardées », selon ce qu’a déclaré le procureur de la Poursuite MAntoine Piché, concernent un complice de Silva, Giovanni Presta fils, accusé, comme l’a été Silva, du meurtre de l’ancien membre des Rockers, Sébastien Beauchamp, mort sous une pluie de balles dans le stationnement d’une station-service de l’est de Montréal en décembre 2018.

Le procès pour meurtre au premier degré de Presta doit débuter le 8 septembre prochain devant juge seul.

MPiché a annoncé à l’honorable juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure qu’il n’avait pas l’intention d’utiliser ces 60 pages de déclarations ni de faire témoigner Silva pour ne pas retarder le début du procès, ce à quoi a acquiescé l’avocat de Presta, MDominique Shoofey.

« La Poursuite déclare renoncer à l’utilisation de toute preuve découlant du témoignage d’un prénommé Frédérick Silva pour le procès de l’accusé en l’instance dans la mesure où celui-ci se tient et se conserve dans les délais prévus à l’automne 2022, plus précisément quant à l’administration de la preuve et du plaidoyer », a dicté le juge Blanchard à la greffière pour que celle-ci l’inscrive au procès-verbal.

Presta est également accusé de possession et de fabrication d’armes à utilisation restreinte ou prohibées, de possession de silencieux et d’entreposage illégal d’armes à feu, mais ces procédures auront lieu après le procès pour meurtre.

Revirement spectaculaire

Frédérick Silva est considéré par la police comme un tueur à gages qui aurait reçu durant des années des contrats de plusieurs organisations criminelles de la région de Montréal.

Fiché comme l’un des criminels les plus recherchés du Canada à la suite du meurtre gratuit d’un client d’un bar de danseuses à Montréal en mai 2017 — meurtre pour lequel il doit bientôt recevoir sa peine —, Silva a été en cavale durant presque deux ans avant d’être arrêté par les enquêteurs et les membres du Groupe tactique d’intervention du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en février 2019.

Mais durant sa cavale, même se sachant l’un des criminels les plus recherchés, Silva a commis des assassinats.

Il a été accusé des meurtres de trois personnes survenus à l’automne 2018, dont Sébastien Beauchamp, et d’une tentative de meurtre commise contre le défunt chef de clan Salvatore Scoppa en février 2017.

Il a ensuite été condamné à la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, à l’issue d’un procès auquel il a lui-même mis fin en reconnaissant que la preuve de la Poursuite était probante.

Silva et son avocate, MDanièle Roy, avaient l’intention d’aller en appel, mais à la suite des meurtres de deux de ses proches, et après qu’un enquêteur du SPVM eut gagné sa confiance, Frédérick Silva s’est mis à collaborer avec la police.

Flanqué des membres du groupe tactique d’intervention, il a été « extrait » du pénitencier où il se trouvait à Sainte-Anne-des-Plaines et a été transporté en hélicoptère dans un lieu secret.

Le milieu nerveux

Selon nos informations, Silva aurait commencé à confesser ses crimes aux enquêteurs — ce qu’on appelle une « déclaration de vie » — et à donner certaines informations sur des contrats remplis ou donnés au sein du crime organisé montréalais au fil des ans.

Ces déclarations devront toutefois être corroborées par les enquêteurs et il faudra sûrement attendre plusieurs mois avant de commencer à voir des résultats dans cette enquête d’envergure qui commence.

Même s’il a commencé à collaborer, Silva n’aurait pas encore signé de contrat avec les autorités.

Plusieurs enquêteurs triés sur le volet des Crimes majeurs et de la Division du crime organisé du SPVM, et d’autres des Crimes contre la personne de la Sûreté du Québec, ont formé une équipe conjointe qui enquêtera sur tous les crimes qui pourraient découler des déclarations de Frédérick Silva.

Les enquêtes majeures des dernières années semblent vouloir démontrer que Silva avait accès directement à des membres influents du crime organisé montréalais et qu’il n’était pas seulement qu’un exécutant.

Des sources des milieux criminels et judiciaires ont confié à La Presse que des individus du crime organisé étaient nerveux depuis que Silva a retourné sa veste.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le 514 285-7000, envoyez un courriel ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.