(New Westminster) Le Néerlandais accusé d’avoir harcelé sur l’internet une adolescente de la Colombie-Britannique, Amanda Todd, qui s’était ensuite suicidée, a été jugé coupable de tous les chefs d’accusation par un jury, samedi.

Aydin Coban était accusé d’extorsion, de harcèlement criminel, de communication avec une adolescente en vue de commettre une infraction sexuelle et de deux chefs de possession de pornographie juvénile. Le jury a eu besoin de moins de 24 heures de délibération avant d’en arriver à ce verdict.

Des « oui » et des cris de joie ont été lancés par la mère de la jeune victime et des gens venus l’appuyer. Le visage de Carol Todd s’est illuminé d’un grand sourire et les larmes se sont mises à couler au moment où le jury confirmait sa décision unanime.

De son côté, Aydin Coban, qui portait une chemise bleue et un pantalon foncé, est demeuré les lèvres pincées sans démontrer plus d’émotion à l’écoute de sa condamnation sur toute la ligne. À sa sortie de sa salle de cour, il a étiré le cou un moment pour regarder le jury.

En début de journée, les jurés avaient posé deux questions à la juge, mais ils ont convenu d’un verdict quelques minutes seulement après avoir obtenu leurs réponses.

La juge Martha Devlin a convoqué la Couronne et la défense le 11 août prochain pour la détermination de la peine.

Amanda Todd n’était âgée que de 15 ans lorsqu’elle s’est enlevé la vie en 2012 après avoir diffusé une vidéo racontant comment elle avait été harcelée sur l’internet.

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Amanda Todd s’est enlevé la vie en 2012 après avoir publié une vidéo en ligne où elle expliquait avoir été constamment harcelée.

Coban avait plaidé non coupable au début du procès, en juin. Dans ses instructions au jury, la juge Devlin avait rappelé que le Néerlandais n’était pas accusé de la mort d’Amanda Todd.

L’avocate de la Couronne Louise Kenworthy avait conclu ses plaidoiries mardi en disant qu’il y avait un « trésor d’informations » reliant Aydin Coban au harcèlement et à l’extorsion d’Amanda Todd.

Lorsque le procès a commencé il y a près de deux mois, la Couronne a déclaré au jury qu’Amanda Todd avait été victime d’une campagne persistante de « sextorsion » en ligne avant sa mort à l’âge de 15 ans en octobre 2012.

Plus tôt dans le procès, le procureur de la Couronne Marcel Daigle a cité le témoignage d’un policier néerlandais qui a déclaré qu’un fichier vidéo supprimé appelé « AmandaTodd.wmv » avait été diffusé sur l’un des appareils en décembre 2010, ce qui correspond à un moment où Amanda Todd était activement harcelée.

L’avocat de l’accusé, Joseph Saulnier, avait déclaré au jury que les preuves présentées « ne soutiennent pas l’existence d’un fichier de données de pornographie juvénile sur Amanda Todd ».

Une cour néerlandaise avait approuvé l’extradition de Coban vers le Canada.

L’individu avait été condamné à près de 11 ans de prison après avoir été jugé coupable en 2017 d’avoir harcelé plusieurs dizaines de filles et de jeunes homosexuels sur l’internet.

Coban a été condamné pour fraude et extorsion sur l’internet, écopant une sentence maximale de dix ans et huit mois pour ce que la justice néerlandaise a qualifié de « comportements aux conséquences dévastatrices » sur la vie de ses victimes.

Aux Pays-Bas, il a été démontré devant le tribunal que Coban prétendait être une jeune fille ou un jeune garçon pour convaincre ses victimes de poser des gestes sexuels devant la caméra de leur ordinateur. Il diffusait ensuite des images de ses victimes pour les faire chanter.

Il a été accusé d’avoir abusé de 34 filles et cinq garçons. Dans certains cas, l’extorsion a duré plusieurs années.

À sa sortie de la salle de cour, à Port Coquitlam, la mère d’Amanda Todd s’est dite ravie d’entendre une décision « juste » sur l’ensemble des cinq chefs d’accusation.

« Je suis plus qu’heureuse de constater qu’après avoir patienté pendant huit longues années, on arrive à une conclusion que tous, pas seulement moi et notre famille, mais beaucoup de gens autour de nous et même au-delà des frontières du Canada, seront très contents d’apprendre », a déclaré Carol Todd en entrevue.

À son avis, le legs de sa fille ne s’effacera pas de sitôt même si le procès est terminé. Elle a réussi à imposer le débat sur la sextorsion dans le discours public, a-t-elle souligné.

« Cela a établi un précédent, a-t-elle ajouté. Et c’est à Amanda qu’on le doit. »

En défense, Me Saulnier a dit être « déçu » du verdict.

« Ce n’est pas ce qu’on espérait ou ce qu’on attendait. Ce n’est pas le verdict attendu du tout sur les cinq chefs, a-t-il commenté. Maintenant, il faut évaluer nos options. Alors, on va en discuter avec notre client. L’appel est une possibilité, mais on doit prendre un peu de temps pour prendre une décision. »

Tout au long des neuf semaines du procès, Carol Todd dit avoir porté des souliers brillants et du verni à ongle dans le ton de mauve préféré de sa défunte fille. Elle s’est assise chaque jour derrière l’accusé et lui a jeté un regard au moment du verdict.

Elle a confié être contente de savoir que l’accusé était conscient de sa présence dans la salle de cour.

Amanda Todd aurait eu 26 ans en novembre prochain. Sa mère s’est promis de prendre un verre en son honneur samedi soir.

Pour la suite, Carol Todd va commencer à rédiger sa déclaration afin de faire valoir à la juge les conséquences des gestes de l’accusé en vue de la détermination de la peine. Puis, elle doit s’offrir des vacances.

La dame qui travaille comme enseignante dit aussi avoir hâte de retourner à son jardin, ses tomates, ses pois et son maïs. Elle entend aussi poursuivre son travail de sensibilisation à la sextorsion.

Avec l’Associated Press

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