Abdulla Shaikh aurait utilisé une arme artisanale pour abattre trois personnes au cours des derniers jours, selon nos sources. Par ailleurs, il aurait tiré au moins deux coups de feu en direction des policiers avant d’être abattu, jeudi matin.

Selon des sources policières, le suspect aurait fabriqué son arme de poing semi-automatique en assemblant des pièces séparées. Il aurait également eu en sa possession une quantité impressionnante de munitions et des chargeurs à haute capacité.

On doit faire plus de prévention, auprès des gangs de rue, en santé mentale et au sujet de l’entrée d’armes illégales au Canada, pense la criminologue Josée Rioux, présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec et chargée d’enseignement à l’Université Laval. « Mettre une arme à feu dans les mains de quelqu’un comme [Abdullah Shaikh], qui était probablement en crise [psychotique], ça fait qu’on arrive à ça. »

« Le fait qu’il ait déjà eu des accusations [au criminel], techniquement, il ne pourrait acheter d’armes [à feu]. Ce serait important de savoir si le système a failli, ou s’il a fonctionné pour ce gars-là. On n’achète pas une arme comme ça si on ne sait pas où la trouver », rappelle de son côté la criminologue Maria Mourani, présidente de Mourani criminologie.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les enquêteurs de la SQ ont visité la maison des parents de Abdullah Shaikh jeudi

Des coups de feu vers les policiers

Jeudi matin, les policiers du Groupe tactique d’intervention (GTI) se seraient approchés de la chambre qu’il avait louée au Motel Pierre, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, et auraient donné un premier coup de bélier dans la porte, qui n’aurait pas cédé. Toujours, selon nos sources, le bruit aurait réveillé le suspect qui se serait redressé sur son lit.

Les policiers auraient donné un second coup de bélier pour défoncer la porte. Le suspect aurait alors tiré au moins deux coups vers les policiers, qui auraient répliqué en le tuant.

L’enquête sur les trois dossiers est toujours en cours. On a procédé au cours de la journée à l’expertise des appareils électroniques appartenant au suspect ainsi qu’à des perquisitions à son logement.

Menaces de mort

Un an et demi plus tôt, M. Shaikh aurait menacé de mort des employés de l’hôpital où il était soigné, a indiqué Nathalie Bourque, présidente par intérim au Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CISSS de Laval-CSN. « Je vais avoir ton nom au complet, je vais te trouver et je vais te tuer », aurait-il dit à une des préposées aux bénéficiaires.

C’était récurrent. Il y avait des regards. Il regardait de loin avec des yeux menaçants. Il était tenace dans ses propos.

Nathalie Bourque, présidente par intérim au Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CISSS de Laval-CSN

À un certain moment, M. Shaikh aurait mis sa main sur l’épaule de la préposée et aurait mentionné le nom complet de la femme. « L’employée avait peur. Le personnel a contacté la police », dit Mme Bourque. Jugeant qu’il s’agissait de menaces voilées, la police n’aurait pas retenu la plainte de l’employée. « Elle a quand même persévéré auprès de sa gestionnaire et la direction a pris la décision de la changer de service », dit-elle. Craignant d’être retrouvée par M. Shaikh, la femme aurait modifié son nom et remplacé sa photo de profil sur Facebook, soutient-elle.

Par ailleurs, un membre de la famille d’Abdulla Shaikh lui aurait apporté un couteau pendant son séjour à l’hôpital, puisque ce dernier se plaignait de beurrer ses toasts avec un couteau en plastique, raconte Mme Bourque. « La famille ne voit pas réellement le danger. Alors heureusement qu’il y avait le principe de la fouille [des visiteurs] en psychiatrie et que le couteau a été trouvé », dit-elle.

Le personnel soignant de l’établissement était « sous le choc » en apprenant qu’Abdulla Shaikh est le suspect des trois meurtres commis dans les derniers jours. « Peut-être que la prochaine victime aurait été quelqu’un de l’hôpital », dit Mme Bourque.

Les victimes de cette série d’homicides sont Alex Lévis Crevier, un Lavallois de 22 ans, André Fernand Lemieux, un homme de 64 ans, père du boxeur québécois David Lemieux, et Mohamed Salah Belhaj, agent d’intervention de l’hôpital en santé mentale Albert-Prévost, âgé de 48 ans.

Avec Mayssa Ferah et Henri Ouellette-Vézina, La Presse