Les services policiers du Québec ont traité près de 29 % plus de cas d’agression sexuelle en 2021 qu’en 2020, selon des données rendues publiques par le ministère de la Sécurité publique vendredi. Une hausse frappante qui mérite des recherches approfondies, estiment des expertes.

Le ministère de la Sécurité publique (MSP) a rendu publiques vendredi les principales tendances en matière de criminalité au Québec pour 2021. Le rapport complet sera diffusé à l’automne.

Consultez le rapport préliminaire du MSP

Selon ces données, 7370 cas d’agression sexuelle ont été rapportés aux différents corps de police de la province en 2021, contre à 5708 en 2020. Il s’agit d’une hausse de 28,7 %.

De plus, 4430 crimes ont été commis dans la catégorie des « autres infractions d’ordre sexuel », contre 3711 l’année précédente, soit une augmentation de 19 %.

Il s’agit des deux hausses les plus importantes, toutes catégories confondues. En fait, le taux d’infractions contre la personne a augmenté de 10,8 % en 2021, le portant à 1131,6 infractions pour 100 000 habitants, soit le taux le plus élevé depuis les années 2000, indique le MSP.

Cela s’explique principalement par une hausse du nombre des voies de fait, d’agressions sexuelles et des autres infractions d’ordre sexuel déclarées par les corps de police.

Extrait du rapport du MSP

Plus d’agressions ou de dénonciations ?

Plusieurs facteurs peuvent expliquer une telle augmentation. « Il ne faut pas se le cacher : depuis que les bars ont rouvert, il y a eu une hausse des agressions sexuelles par intoxication », relève Mélanie Lemay, fondatrice de Québec contre les violences sexuelles. « Et pendant la pandémie, c’était une hausse des cas d’inceste. »

Malgré tout, les données du MSP ne signifient pas nécessairement qu’il y a eu plus d’agressions, souligne Mme Lemay. « Les agressions sexuelles sont les seuls crimes violents qui n’ont jamais diminué, en termes d’incidence et d’importance, explique-t-elle. [Cette augmentation entre 2020 et 2021], est-ce que ça veut dire qu’il y a une hausse des agressions, ou des dénonciations ? »

Une vision partagée par la psychologue Isabelle Daigneault, professeure et chercheuse à l’Université de Montréal spécialiste de la question des violences sexuelles. Pourquoi ? Parce que les violences sexuelles font partie des crimes très peu déclarés à la police, détaille-t-elle.

Au Canada, seulement 5 % des femmes signalent à la police l’agression sexuelle la plus grave qu’elles ont subie, relevait Statistique Canada en 2019.

Consultez l’étude de Statistique Canada

Historiquement, « quand on pose la question auprès de la population et qu’on demande aux gens s’ils ont subi de la violence sexuelle, les taux ne varient pas tant que ça », souligne Mme Daigneault.

Poursuivre la recherche

Une telle variation de taux mérite qu’on se penche sur la question, indiquent les deux chercheuses.

Pour Isabelle Daigneault, les données du MSP devront être croisées avec d’autres, « pour voir comment ça s’insère dans le reste de la documentation en violence sexuelle ».

Est-ce que ça veut dire que les gens font plus confiance à la police ? Il faudrait faire des entrevues pour comprendre.

Mélanie Lemay, fondatrice de Québec contre les violences sexuelles

De telles recherches pourraient aussi tenir compte des populations où les dénonciations sont encore moins fréquentes, comme chez certains groupes culturels, dans les couples lesbiens et chez les hommes, souligne Mélanie Lemay.

Voies de fait en hausse, meurtres en baisse

Les données du MSP montrent aussi une augmentation des voies de fait de 9 % entre 2020 et 2021, soit 51 460 en 2021 contre 47 075 en 2020.

Le harcèlement criminel a aussi connu une forte hausse de 16,8 % entre les deux années. En 2021, 7303 personnes ont déclaré subir du harcèlement, comparativement à 6234 l’année précédente.

Par ailleurs, les vols de véhicules ont bondi en 2021, passant de 11 368 vols en 2020 à 13 622 en 2021, une augmentation de 19,5 %. Les fraudes, elles, ont connu une hausse de 12,8 %.

Sans surprise, les infractions relatives aux armes à feu ont connu une accélération de 6,3 % entre 2020 et 2021.

Mais tout n’est pas noir. En effet, certains crimes ont diminué l’année dernière, notamment les homicides (- 2,5 %), la négligence criminelle entraînant la mort (- 19,8 %), les complots en vue de commettre un meurtre (- 3,4 %) et les introductions par effraction (- 13,1 %).