L’ingénieur Simon Houle — qui a bénéficié d’une absolution conditionnelle à la fin de juin après avoir plaidé coupable à une accusation d’agression sexuelle – aurait récidivé peu de temps après, en voyage à Cuba. Celle qui s’en dit victime a porté plainte à la police, ce qui pourrait mener à son incarcération pour non-respect de condition s’il est accusé et reconnu coupable de ces gestes, estiment des criminalistes.

« Si le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a la conviction de pouvoir présenter une preuve hors de tout doute raisonnable, il y aura deux dossiers distincts : l’un pour non-respect des conditions et l’autre possiblement pour des attouchements sexuels », explique à La Presse l’avocate spécialisée en droit criminel MNada Boumeftah, ajoutant que tout dépendra si des accusations sont portées.

Radio-Canada révélait lundi que deux semaines après avoir bénéficié d’une absolution pour agression sexuelle, Simon Houle aurait empoigné les fesses d’une femme sans son consentement dans un bar de Cayo Coco, à Cuba.

Vickie Vachon, qui témoigne à visage découvert, et dont les affirmations sont en partie corroborées par une voyageuse, affirme que M. Houle aurait empoigné ses fesses de façon « très agressive » dans la nuit du 3 au 4 juillet. La professeure, qui réside à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, ne s’est aperçue qu’à son retour de voyage que son agresseur était au cœur d’une vaste controverse dans la province.

Deux semaines plus tôt, Simon Houle avait plaidé coupable d’agression sexuelle et de voyeurisme sur une femme endormie lors d’une soirée chez un ami. Dans une décision controversée, il a obtenu une absolution entre autres grâce à sa « bonne moralité ». M. Houle s’était toutefois engagé à respecter une série de conditions pendant trois ans, dont « ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite ».

« Si les faits de Mme Vachon se confirment, il y a un bris de condition clair », dit d’emblée Maria Mourani, présidente de Mourani-Criminologie. Elle estime que Simon Houle devrait être rencontré sous peu par son agent de probation. « L’agent décidera la mesure qui sera prise », dit-elle. Un non-respect de condition est passible d’une peine allant jusqu’à quatre ans de prison.

Par ailleurs, si M. Houle est reconnu coupable des actes reprochés par Mme Vachon, cela sera considéré comme une rédicive, ajoute-t-elle.

Si [Simon Houle] est reconnu coupable, ça va être difficile de lui donner une absolution.

Maria Mourani, présidente de Mourani-Criminologie

La criminologue s’étonne d’ailleurs que l’agresseur ait obtenu une absolution en premier lieu, sachant qu’il avait déjà reconnu avoir des antécédents d’agression.

« En tant que criminologue, je vois que l’individu a un problème et qu’il a clairement besoin d’une thérapie. Il doit apprendre à identifier son risque de passage à l’acte et comment le contrecarrer. Tout son rapport aux femmes et à la sexualité semble difficile », dit-elle.

Nouvelle plainte, nouvelle enquête

Vickie Vachon dit avoir porté plainte à la Régie de police du Lac des Deux-Montagnes (RPLDM). « Je veux que les juges y repensent à deux fois avant de laisser en liberté un agresseur », a-t-elle admis au réseau public. Le porte-parole du corps de police, Jean-Philippe Labbé, confirme qu’une plainte pour agression sexuelle a été déposée jeudi dernier, sans toutefois identifier la personne visée.

« Ce qu’on peut vous dire, c’est que c’est une résidante de Sainte-Marthe-sur-le-Lac qui a porté plainte jeudi en fin de journée. On a assigné le dossier à un enquêteur. Maintenant, ce sera de prendre les dépositions de la victime et de potentiels témoins. La plainte va suivre son processus régulier », a indiqué lundi M. Labbé.

Une accusation de non-respect de condition aurait un impact sur le jugement controversé du juge Matthieu Poliquin, qui avait notamment justifié sa décision d’absolution conditionnelle par le fait que, même si « l’accusé n’a pas mené une vie parfaite » — il a déjà été condamné dans un dossier d’alcool au volant —, « il a généralement démontré être une personne de bonne moralité ».

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

MSophie Gagnon, avocate et directrice générale de la clinique juridique Juripop

« La pertinence de ce qui se serait déroulé à Cuba, ça concerne d’abord les conditions émises par le juge Poliquin. Le DPCP ne pourrait donc vraisemblablement pas s’en servir dans le cadre de son appel en cours », rappelle néanmoins l’avocate et directrice générale de la clinique juridique Juripop, MSophie Gagnon.

Elle rappelle que porter des accusations pour des gestes faits à l’étranger peut être « plus complexe », mais demeure tout à fait possible. « Ça s’est déjà vu et obtenu. Le Québec peut avoir juridiction dans ce genre de dossier, et ça peut revenir dans le bon district », renchérit MBoumeftah.

Les évènements à l’origine de cette controverse se sont produits en avril 2019, au moment où Simon Houle étudiait toujours à l’université. Après s’être couchée tout habillée et par-dessus les couvertures, la victime s’est fait réveiller par la lumière d’un appareil photo. Elle a alors senti des doigts dans son vagin qui faisaient un mouvement de va-et-vient. Sa camisole était relevée et son soutien-gorge, dégrafé. Pas moins de neuf photos où la victime se reconnaît ont été récupérées plus tard dans le cellulaire de Simon Houle.