Des dizaines de personnes ont manifesté devant le palais de justice de Montréal pour réclamer une réforme du système judiciaire au Québec dans la foulée de l’absolution conditionnelle de l’ingénieur Simon Houle pour une agression sexuelle.

En entrevue, les organisatrices de l’évènement ont dénoncé l’incapacité du système de justice à traiter adéquatement les crimes sexuels.

« [Le jugement Houle], c’est l’arbre qui cache la forêt, la jurisprudence est remplie de décisions comparables, et c’est la raison même pour laquelle [le juge Matthieu Poliquin] est arrivé à cette conclusion-là, il s’est inspiré de ce qui a été décidé dans le passé », a expliqué l’une d’entre elles, Mélanie Lemay.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Mélanie Lemay, coorganisatrice de l’évènement

Ça fait des années que le ministre de la Justice [Simon Jolin-Barrette] nous parle de tribunal spécialisé, mais il faut vivre au pays des licornes pour penser qu’il sera possible d’incarcérer tous les agresseurs sexuels. Ça ne fait que démontrer l’importance d’aller plus loin que le même vieux système.

Mélanie Lemay, coorganisatrice de l’évènement

Mme Lemay plaide pour un accès facilité à la thérapie et à la « guérison » pour les victimes de crimes sexuels, ainsi que pour davantage de sensibilisation, et ce, dès le plus jeune âge, « parce que beaucoup d’agresseurs ne seront jamais judiciarisés ».

Rappelons que le juge Matthieu Poliquin, dans une décision rendue en juin, a accordé l’absolution conditionnelle à Simon Houle, ingénieur de Trois-Rivières reconnu coupable d’agression sexuelle. L’homme âgé de 27 ans au moment des faits a déshabillé la victime alors qu’elle avait les facultés affaiblies et dormait avant d’introduire ses doigts dans son vagin et de prendre des photos de son corps.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

« Je n’ai plus peur de vous », « la justice, c’est de la marde » et « violeurs partout, justice nulle part » n’étaient que quelques-uns des messages inscrits sur les nombreuses pancartes brandies par les participants.

Suscitant une importante couverture médiatique, le jugement a soulevé l’indignation sur les réseaux sociaux, et le Directeur des poursuites criminelles et pénales a annoncé qu’il demanderait la permission d’en appeler du jugement.

L’inadéquation du droit

Les manifestants dénonçaient donc plus qu’une simple décision, ils réclamaient aussi une révision complète de la façon de traiter les cas d’agressions sexuelles.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Les manifestants rassemblés dimanche à Montréal réclamaient notamment une révision complète de la façon de traiter les cas d’agressions sexuelles.

« Ça fait des années qu’on dit que le droit criminel n’est pas adapté [pour juger des crimes de nature sexuelle]. On nous a apporté le Tribunal spécialisé comme si ça allait changer les choses, mais ce n’est pas du tout le cas », a déploré une autre organisatrice de l’évènement, Alexandra Dupuis.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Alexandra Dupuis, coorganisatrice de l’évènement

La manifestation en soi n’est pas contre la décision, mais plutôt par rapport à l’inadéquation du domaine du droit criminel en matière de crimes sexuels.

Alexandra Dupuis, coorganisatrice de l’évènement

Le projet de tribunal spécialisé en violence sexuelle et conjugale de Québec, élaboré dans la foulée du dépôt du rapport Rebâtir la confiance, prévoit, entre autres, que les victimes pourront être accompagnées tout au long du processus par des intervenants spécialisés du Centre d’aide aux victimes d’actes criminels. Ce sera aussi le même procureur tout au long du processus judiciaire.

« Nos traumas ne sont pas pris au sérieux »

Plusieurs personnes présentes à la manifestation de dimanche, choquées par le jugement Houle, ont tenu à exprimer leur soutien à la victime.

« Le jugement, j’ai trouvé ça vraiment irrespectueux pour les victimes, et plus particulièrement pour la victime dans ce cas-ci », a expliqué une manifestante, Loïz Poissant-Ross.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Loïz Poissant-Ross

« C’est une énième preuve que nos traumas ne sont pas pris au sérieux. […] Ça démontre que ça ne sert à rien de porter plainte parce que même lorsqu’il y a des aveux, des preuves, il n’y aura pas de conséquences », a-t-elle ajouté.

Une autre participante à l’évènement, Catherine, a tenu à montrer son appui à la cause, dans le contexte du recul des droits des femmes aux États-Unis à la suite de l’invalidation de l’arrêt Roe c. Wade.

« C’est le temps de manifester, puis de se lever contre les injustices pour tenter de protéger les droits qu’on a acquis », a-t-elle dit.