On ne pourra pas écrire que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et la Couronne fédérale n’ont pas été patientes. Mercredi, au palais de justice de Montréal, elles ont demandé et obtenu d’une juge la confiscation de plus de 2200 vêtements et autres articles de marques connues contrefaits, saisis il y a 14 ans, parce que l’entreposage coûte cher et que l’accusé dans cette affaire est introuvable, qu’il n’a jamais été jugé et ne le sera probablement jamais.

Accusé en 2009, Israck Guenoun ne s’est jamais présenté devant le tribunal et aurait fui dans un autre pays, probablement en Israël, selon la requête de la Couronne déposée en cour.

En 2009, M. Guenoun avait 64 ans. Il en aurait maintenant 77. C’est en 2017 que les enquêteurs ont eu pour la dernière fois des informations laissant croire qu’il était toujours en vie.

Caverne d’Ali Baba

En octobre 2008, dans le cadre d’une enquête pour contrefaçon, les enquêteurs de la GRC ont perquisitionné dans l’entrepôt de l’ancienne entreprise de M. Guenoun, Les Importations Ketere, rue Wellington, à Verdun.

Ils y ont saisi 2242 articles, dont des vêtements arborant les marques Chanel, Hugo Boss, Lacoste, Harley-Davidson et Versace, des lunettes, sacs à main ou accessoires affichant les noms Louis Vuitton, Gucci et Giorgio Armani, ainsi que des casquettes avec les logos du Canadien de Montréal et de Ferrari.

Selon nos informations, l’accusé écoulait cette marchandise dans des marchés aux puces.

Le 10 juillet 2009, M. Guenoun a été accusé de supercherie, d’avoir mis en circulation, et d’avoir sciemment mis en vente des produits contrefaits de marques Chanel, Lacoste, Harley-Davidson et Hugo Boss.

PHOTO FOURNIE PAR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

La police a mis la main sur 18 articles contrefaits affichant la marque Chanel, soit 10 t-shirts et 8 paires de lunettes.

Seules ces quatre marques ont été précisées dans les actes d’accusation parce que les policiers ont pu prouver que les articles en question étaient contrefaits, même s’ils avaient de sérieux doutes pour les autres.

M. Guenoun devait obligatoirement se présenter en cour le 10 septembre 2009, mais il ne l’a pas fait. Il ne s’est pas présenté non plus à sa convocation suivante, le 9 novembre de la même année.

Huit jours plus tard, la GRC a diffusé un avis de recherche à peu près au même moment où les locaux de l’entreprise de M. Guenoun ont été abandonnés et les paiements du bail, arrêtés.

Même la résidence de M. Guenoun a été vidée, par son occupant lui-même selon la requête, et le dernier chèque pour le paiement du loyer, daté de janvier 2009, était sans provision.

Après avoir vérifié les entrées au Canada et les sorties du pays de l’accusé, les enquêteurs ont joint un membre de la famille de M. Guenoun en octobre 2012, qui leur a dit que ce dernier n’était plus au Canada depuis l’hiver 2008 et se trouverait en France ou en Israël.

En juillet 2013, la GRC a fait une demande d’assistance à Interpol qui n’a rien donné.

En janvier 2017, les enquêteurs ont joint un autre membre de la famille de M. Genoun, qui leur a dit que les enfants de l’accusé avaient des contacts sporadiques avec lui sur l’internet et qu’il leur dirait de communiquer avec les autorités canadiennes.

Depuis, plus rien. Les Importations Ketere ont été radiées en février 2017, selon le site du Registraire des entreprises.

Trop cher

Le mandat d’arrêt et un avis de guet visant M. Guenoun sont toujours en vigueur, mais les autorités ont demandé la confiscation des marchandises saisies parce que « les coûts en ressources humaines et financières pour l’entreposage des biens saisis sont élevés », peut-on lire dans la requête.

Le document demandait la confiscation des biens au profit de Sa Majesté la Reine afin qu’on puisse s’en départir.

Tout indique qu’ils seront détruits et qu’ils ne pourraient pas, par exemple, être donnés à des organismes de charité, selon Alain Lacoursière, ancien enquêteur du Service de police de la Ville de Montréal et expert en œuvres d’art et droits d’auteur.

« Les droits d’auteur ne permettent pas la libre circulation de tels produits contrefaits. C’est d’emblée détruit à moins que les compagnies détentrices des droits acquiescent à une telle demande [don à des organismes de charité], mais je crois que cela n’est jamais arrivé », explique le spécialiste.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.