Le proxénète Josué Jean s’est vu refuser la libération conditionnelle lundi, au grand soulagement de l’une de ses victimes, qui s’est entretenue avec La Presse.

« J’ai reçu l’appel ce matin et je suis extrêmement contente », dit Marie-Michelle Desmeules, l’une des victimes de M. Jean. Elle avait confié à La Presse en janvier être terrorisée à l’idée qu’il puisse sortir de prison. « J’essayais de ne pas nourrir les inquiétudes parce que c’est sûr que ça me stressait d’attendre la réponse » à la suite de l’audience.

M. Jean purge une peine de sept ans et sept mois depuis octobre 2019 après avoir été reconnu coupable de 14 chefs d’accusation, dont séquestration, traite de personnes, voies de fait, agression sexuelle et agression armée.

« L’une des victimes a été brûlée sur les bras, projetée du haut d’un escalier et menacée avec un pistolet », énumère la Commission des libérations conditionnelles du Canada dans sa décision de neuf pages. « L’autre victime a été frappée au visage et a subi d’autres sévices physiques dégradants. » Elles ont toutes deux dit à la Commission avoir peur qu’il soit libéré.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Josué Jean au palais de justice de Montréal en 2018

[Mais aujourd’hui] je ne veux pas y penser honnêtement, parce que ça ne me sert à rien de penser à ça. C’est lui qui est en dedans, moi je ne suis pas là. Je veux penser à moi.

Marie-Michelle Desmeules, au sujet de l’éventuelle libération de son ex-proxénète et agresseur

La jeune femme a vécu quatre années sous son emprise, pendant lesquelles elle a été forcée de se prostituer et régulièrement battue. Elle s’est enfuie en 2009 avant de porter plainte contre lui en 2014.

« Un risque inacceptable »

L’homme de 44 ans ne reconnaît toutefois « qu’une infime partie » des délits pour lesquels il purge sa peine et s’estime « victime d’une erreur judiciaire », note la Commission. S’il admet avoir vécu des fruits de la prostitution et avoir usé de violence verbale, il nie les accusations de violence physique et sexuelle dont il a été reconnu coupable.

Dans la décision, M. Jean est décrit comme un être égocentrique, narcissique, manipulateur, manquant d’empathie et atteint d’un « trouble de sadisme sexuel ». La Commission souligne tout de même « quelques progrès sur certains facteurs de risque », mais cette progression demeure « nettement insuffisante ».

La libération conditionnelle totale, tout comme la semi-liberté, présenterait donc « un risque [de récidive] inacceptable pour la société » dans son cas, selon les commissaires.

Le fruit d’une longue bataille

Alors qu’elle retrouve une certaine paix d’esprit, Mme Desmeules tient à lancer un message : « Pour moi, d’avoir porté plainte, dans ma vie, c’est la chose qui m’a aidée à guérir le plus », dit-elle, même si ça a été difficile.

Elle souligne l’aide qu’elle a reçue d’un Centre d’aide aux agressions sexuelles (CALACS) et de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES), des organismes qui l’ont accompagnée pendent toute la durée du processus.

« Je n’ai jamais arrêté de me battre, et je suis quand même contente du cheminement de tout ça », poursuit-elle. « C’est ça qui m’a permis de me réapproprier, donc je pense que ça vaut la peine malgré tout. »

Lisez l’article « “Je cohabite encore avec lui chaque jour” »