Une passe d’armes entre le juge et la défense a mené à un coup de théâtre dans le dossier de l’homme accusé d’avoir attaqué une fillette à Pointe-aux-Trembles. Au lieu de déclarer Tanvir Singh non criminellement responsable, le juge s’est soudainement dessaisi de la cause en raison de l’insistance de la défense à cacher l’information.

Une attaque sur une fillette en pleine rue sur le boulevard du Tricentenaire, un « cutter » dans les mains. C’est tout ce que MMileva Camiré voulait dévoiler au public mercredi sur cette violente agression qui a choqué le Québec en mars dernier. La fillette de 10 ans avait été tabassée sans raison par l’homme de 21 ans avant d’être sauvée par des passants.

L’avocate de la défense s’est efforcée mercredi d’en dévoiler le moins possible publiquement, alors qu’elle présentait une suggestion commune pour déclarer Tanvir Singh non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux. Les psychiatres ont conclu à cet effet, selon un rapport qui n’est pas accessible au public.

À au moins cinq reprises, le juge Christian M. Tremblay a sommé l’avocate de la défense de résumer les faits admis par son client, comme c’est généralement le cas dans ce type de dossier. « Je ne suis pas d’accord. D’habitude, il n’y a pas de résumé des faits », s’est toutefois plainte MCamiré. Selon elle, les faits se trouvent déjà dans le rapport psychiatrique.

« Ce n’est pas mon interprétation de la loi. Je suis le juge. Je suis le juge ! », a alors martelé le juge Christian M. Tremblay, excédé. « Si vous n’êtes pas d’accord, libre à vous. Vous pouvez procéder devant un autre juge, demain ou un autre jour. Je ne veux pas négocier avec vous », s’est exaspéré le juge.

L’avocate du Bureau de l’aide juridique a alors répété les mêmes arguments au juge, qui l’a coupée net. « Vous faites juste vous répéter vous-même. Je ne suis pas d’accord. Je suis le juge. Si vous n’êtes pas d’accord, vous pouvez procéder devant quelqu’un d’autre. Je me dessaisis du dossier », a-t-il tranché.

Précisons qu’il est tout à fait exceptionnel qu’un juge se dessaisisse d’un dossier dans un tel contexte.

La procureure de la Couronne, MAnnabelle Sheppard, a bien tenté de le convaincre de revenir sur sa décision. « Non, MSheppard. Elle veut procéder devant quelqu’un d’autre, elle aura la possibilité », a tranché le juge Tremblay. « J’ai lu le rapport pendant une heure. La prochaine fois, je vais avoir ma leçon », a lâché le magistrat.

Photo David Boily, archives LA PRESSE

MAnnabelle Sheppard, procureure de la Couronne

La même suggestion commune devrait donc être présentée jeudi devant un autre juge. La défense a réclamé la présence en personne de Tanvir Singh au palais de justice, même si le juge Tremblay l’a prévenue de « problèmes » potentiels. En raison de la pénurie de personnel, des détenus ne sont parfois pas amenés en salle d’audience, au grand dam des juges.