L’ex-chef du Parti québécois André Boisclair a reconnu lundi avoir dirigé le viol collectif d’un jeune homme et avoir agressé sexuellement un autre homme qui lui répétait « d’arrêter ». Les deux victimes ont livré des témoignages émouvants devant leur agresseur, qui risque maintenant deux ans de prison.

« Depuis que j’ai franchi la porte de la demeure de M. Boisclair, plus rien ne va », a confié en pleurant la première victime au palais de justice de Montréal. Son agression sexuelle aux mains d’André Boisclair l’a empêchée de terminer ses études et a « décuplé » son anxiété. « J’ai un mal de vivre qui ne veut juste pas partir », a-t-elle confié.

Dans ce dossier, André Boisclair a plaidé coupable lundi à un chef d’accusation d’agression sexuelle avec la participation d’une personne. En janvier 2014, l’accusé invite chez lui la victime, rencontrée sur les réseaux sociaux. Le jeune homme le prévient d’emblée qu’il ne désire pas avoir de sexe anal.

À son arrivée, deux hommes sont déjà là, en plus d’André Boisclair. L’un d’entre eux quittera l’appartement, mais un autre prendra sa place. La victime consent d’abord à certains gestes sexuels.

Or, le comportement d’André Boisclair change après avoir consommé de la drogue. Il devient « plus directif » et parle de sodomie, ce que refuse de faire la victime.

C’est alors qu’André Boisclair demande aux deux autres personnes présentes de saisir le jeune homme et de le pénétrer. L’ex-député tient alors la victime par le torse pendant qu’un complice s’execute. La victime se débat. Comme l’agresseur n’y arrive pas, il dit à tout le monde : « On le lâche ».

« [La victime] avait l’impression que l’accusé était sous l’effet des drogues et que l’accusé, entre guillemets, ne semblait plus là dans sa tête », a résumé au juge le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme. Notons que les complices n’ont jamais été identifiés.

Cette agression a marqué le jeune homme au fer rouge. « Je fais des cauchemars, je suis envahi par la peur. J’ai eu des idées pour m’enlever la vie », a-t-il énuméré. Son rêve de faire de la politique a été transformé en « aversion » envers cet univers. C’est que la victime « admirait » André Boisclair, comme homme politique.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Jérôme Laflamme, procureur de la Couronne

« Arrête »

La deuxième agression est survenue en novembre 2015, également au domicile de l’accusé. André Boisclair a plaidé coupable à un chef d’agression sexuelle dans ce dossier. L’ex-politicien rencontre la victime, un jeune homme, sur une application de rencontre. Après une heure de discussion, la victime s’apprête à partir quand l’accusé commence à l’embrasser, un geste « consensuel ».

Or, André Boisclair se fait entreprenant : il s’agenouille devant la victime, lui défait son pantalon et amorce une fellation. La victime lâche : « Je ne crois pas… », sans toutefois terminer sa phrase. L’accusé interrompt son geste, et la victime remonte son pantalon.

André Boisclair entraîne alors le jeune homme sur le lit et l’allonge sur le ventre. La victime lui dit : « Arrête. » Mais André Boisclair poursuit en lui baissant le pantalon. La victime prononce à nouveau le mot « Arrête ». Rien n’y fait. L’agresseur poursuit ses gestes sexuels. La victime « fige », mais finit par dire : « Arrête » une troisième fois. L’accusé obtempère finalement.

« À ce jour, la blessure n’est pas toujours guérie. Après l’agression, la honte, l’incompréhension et la peur m’envahissaient dans ma vie intime. Je n’avais plus confiance », a confié le jeune homme.

« Je suis marqué à vie. […] Ce n’est pas normal. Je ne méritais pas ça. Personne ne mérite ça », a-t-il livré.

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André Boisclair à son arrivée au palais de justice de Montréal

Boisclair avait le jugement « considérablement altéré »

L’avocat d’André Boisclair, Me Michel Massicotte, a insisté sur les « graves problèmes d’anxiété » de son client à l’époque pour excuser les crimes. Avant la première agression, André Boisclair consommait des médicaments et des stupéfiants. Il avait été victime d’« allégations diffamatoires » quelques mois plus tôt, a indiqué son avocat.

« Lors de la commission des actes, son jugement sera considérablement altéré », a souligné MMassicotte.

Depuis son arrestation, André Boisclair a entrepris une thérapie spécialisée en toxicomanie et s’est soumis à des dizaines de tests de dépistage, a fait valoir son avocat.

André Boisclair a choisi de ne pas s’exprimer devant le juge. Sa lettre d’excuses aux victimes n’a été ni lue en salle d’audience ni déposée en preuve. L’ancien élu n’a émis aucun commentaire devant les journalistes. « C’est aux souffrances des victimes qu’il pense en venant reconnaître sa culpabilité », a déclaré son avocat.

Les parties ont suggéré au juge Pierre Labelle l’imposition d’une peine de deux ans moins un jour d’emprisonnement. Il s’agit d’une suggestion « raisonnable » compte tenu de la jurisprudence, a fait valoir le procureur Me Jérôme Laflamme. Cette proposition tient en compte l’impact « important » sur les victimes et la reconnaissance de culpabilité de l’accusé.

Le juge rendra son jugement le 18 juillet prochain.