Il n’y a pas qu’à Montréal que les crimes armés se multiplient. La Sûreté du Québec (SQ) note une hausse marquée des évènements où des armes à feu sont présentes partout dans la province, y voyant une « banalisation » des armes panquébécoise.

Selon des données obtenues auprès du corps policier, le nombre d’évènements recensés où une arme à feu était présente sans que des coups de feu aient été tirés était en hausse l’an dernier sur son territoire, qui couvre l’ensemble du Québec à l’exception des principales villes et de leurs environs.

Pas moins de 435 évènements du genre ont ainsi été répertoriés dans toutes les régions couvertes par la SQ en 2021, ce qui représente une hausse de 22,2 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes. Plus précisément, le corps policier a enregistré une augmentation du nombre de victimes de voies de fait où une arme a été montrée.

Le nombre de dossiers d’agression sexuelle impliquant des armes à feu a quant à lui plus que doublé, passant de 11 en 2020 à 22 en 2021. Plusieurs intervenants du domaine disaient craindre une augmentation de la violence conjugale dans le contexte de la fin des confinements successifs dus à la COVID-19.

Toutefois, à l’inverse de ce qui a été observé à Montréal, les armes à feu impliquées dans ces évènements n’ont pas été plus souvent utilisées qu’auparavant sur le territoire de la SQ. Seulement 20 évènements où des coups de feu ont été tirés ont été recensés, soit un chiffre semblable à ceux des quatre années précédentes.

« Pour frapper l’imaginaire »

Le porte-parole de la SQ Benoit Richard voit dans ces tendances une certaine « banalisation » de l’utilisation des armes à feu au Québec.

On a constaté au cours des dernières années une certaine banalisation de l’arme dans le quotidien. Elle est utilisée un peu dans n’importe quelle situation : lors de prestations musicales, dans des vidéos, à des émissions de télévision. L’arme à feu devient un genre d’outil de plus en plus utilisé pour frapper l’imaginaire.

Benoit Richard, coordonnateur au service de la diffusion et des relations médias de la Sûreté du Québec

La plupart des armes impliquées dans ces évènements ont été obtenues illégalement, précise-t-il.

Même si la SQ couvre plusieurs régions qu’on pourrait croire épargnées par l’augmentation de la violence armée observée dans la métropole, il n’en est rien, ajoute Benoit Richard. « Oui, notre territoire est plus vaste et plus grand, mais on est le reflet d’une société qui vit ces changements », rappelle-t-il.

Troquant sa casquette de porte-parole de la SQ contre celle de porte-parole de la stratégie Centaure, opération coordonnée de l’ensemble des corps policiers de la province pour lutter contre la violence armée, Benoit Richard plaide l’importance de « rappeler les conséquences » aux délinquants qui brandissent des armes à tout vent.

« Il faut augmenter la perception du risque. Il faut que ça devienne « action-réaction ». Tu es en possession d’une arme, tu commets une infraction, voici ce qui va arriver. […] Il faut que ça devienne comme pour la vitesse au volant. Tu vas trop vite, on t’arrête », souligne-t-il.

Les crimes contre la personne aussi en hausse

Comme à Montréal et à Laval, l’année 2021 a été marquée par une forte hausse des crimes contre la personne dans le reste du Québec.

La présidente de l’Ordre professionnel des criminologues du Québec, Josée Rioux, y voit un effet de la pandémie, de la « non-tolérance des gens à la frustration ».

« Les deux dernières années ont été difficiles pour tout le monde et la réponse à la frustration a été différente. Ce n’est pas scientifique, mais tous les conspirationnistes qui vont dire plein de choses sur l’internet, les gens prennent parfois en exemple ces révolutionnaires et vont se dire qu’ils peuvent se permettre ces choses-là », explique-t-elle en parlant de l’augmentation du nombre de crimes contre la personne.

Plus tranquille dans la couronne nord

Martin Charron, inspecteur à la Régie intermunicipale de police Thérèse-De Blainville (RIPTB), un corps policier de la couronne nord de Montréal, fait état d’une relative tranquillité sur le terrain pour ce qui est des armes à feu.

« Bon an mal an, on a quelques vols qualifiés, quelques situations impliquant des armes à feu, mais après enquête, ça se trouve souvent à être des imitations d’armes, ce que la victime ne sait pas. Mais le phénomène de la violence rencontré à Montréal et à Laval, ce n’est pas une réalité pour la couronne nord », témoigne-t-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Périmètre de sécurité mis en place sur la 61Avenue à Blainville, en octobre 2021, après le meurtre d’un homme atteint par balle.

En effet, le rapport annuel du corps policier publié ce printemps fait état d’une augmentation de seulement 6 % du nombre de crimes contre la personne commis sur son territoire en 2021 (876) par rapport à l’année précédente (824). Leur nombre était toutefois beaucoup plus élevé en 2019, alors que 1021 crimes contre la personne avaient été recensés sur le territoire de la RIPTB, qui englobe les villes de Boisbriand, Lorraine, Rosemère et de Sainte-Thérèse.

La semaine dernière, le Service de police de la Ville de Montréal et celui de Laval ont tous deux déposé leurs rapports annuels. Les deux documents font état d’une hausse marquée des crimes contre la personne sur leurs territoires respectifs, plus particulièrement ceux impliquant une arme à feu.

En savoir plus
  • 590
    Nombre de victimes d’infractions contre la personne où une arme à feu était présente, en 2021, sur le territoire de la SQ, ce qui représente une hausse de 19,5 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes
    Source : Sûreté du Québec
    1039
    Nombre de municipalités couvertes par la SQ
    Source : Sûreté du Québec