Un personnage au visage de Marc Lépine tenant une arme longue devant une dizaine de femmes. C’est par cet inquiétant montage qu’un blogueur antiféministe a appelé ses lecteurs à « polir leurs carabines » en vue de célébrer la « Saint-Marc Lépine Day », la veille des commémorations de la tuerie de Polytechnique.

Au deuxième jour du procès de Jean-Claude Rochefort pour incitation à la haine contre les femmes, les écrits les plus troublants du blogue de l’accusé, nommé Antimasculiniste, ont été présentés en preuve.

Dans les jours précédant le 30e anniversaire du féminicide de Polytechnique, le 6 décembre 2019, le blogueur a commencé à faire un « décompte » en vue des « célébrations ».

Au fil des jours, les publications de Jean-Claude Rochefort sont dithyrambiques à l’égard du « héros » Marc Lépine. On y voit l’assassin armé d’un pistolet devant Polytechnique ou devant un mémorial des 14 femmes assassinées.

« Commencez les préparatifs. Posez des lumières, des ceintures de munitions et une photo de Saint-Marc », écrit le blogueur, à deux jours des commémorations.

« La dernière publication, le 5 décembre 2019, fait état du décompte, et parle de célébrer la Saint-Marc en polissant nos carabines, en plus d’un montage de Marc Lépine avec une carabine. Ça s’adresse aux fidèles de Marc Lépine, on voit une progression étant donné le contexte de la publication », explique Christopher Audy, de l’équipe de cyberenquête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

En raison des propos « inquiétants et imminents » du dernier billet, l’enquêteur a fait une demande urgente auprès de Google, l’hébergeur du blogue, pour obtenir les informations liées au compte, indique son rapport d’enquête. Quelques heures plus tard, Jean-Claude Rochefort était identifié par les policiers et arrêté le soir même.

Peur à l'UQAM

L’équipe des crimes haineux du SPVM avait été alertée par l’UQAM quelques semaines plus tôt à la suite d’une dénonciation du professeur en études féministes Francis Dupuis-Déri.

Ce dernier était le souffre-douleur de Jean-Claude Rochefort dans de nombreuses publications. Sa collègue Mélissa Blais était également la cible du blogueur antiféministe.

À son enquête sur remise en liberté – déposée en preuve –, Jean-Claude Rochefort a répété que son blogue était devenu « trop gros », au point de lui faire « peur ». Pas moins de 60 000 personnes consultaient chacun de ses billets, a-t-il déclaré sous serment. Il jurait alors avoir eu l’intention d’arrêter après le 6 décembre 2019.

Ses écrits étaient « repris dans les forums incels mondialement », a soutenu Jean-Claude Rochefort en décembre 2019. Les incels sont des célibataires involontaires au discours misogyne souvent extrême sur les réseaux sociaux. L’auteur d’une tuerie qui a coûté la vie à 10 personnes à Toronto en 2018 se disait « incel ».

Mardi, l’avocat de la défense, MRodolphe Bourgeois, a longuement contre-interrogé l’enquêteur Audy.

Le procès se poursuit mercredi. MRoxane Laporte représente le ministère public.