Le blogueur antiféministe Jean-Claude Rochefort a fait preuve d’un « mépris flagrant et inacceptable » pour le système de justice en faisant faux bond à la sélection du jury de son procès. L’adorateur de Marc Lépine a ainsi perdu son droit d’être jugé par ses pairs, a tranché le tribunal vendredi.

Le procès de Jean-Claude Rochefort pour avoir volontairement fomenté la haine contre les femmes devrait donc s’amorcer dès lundi au palais de justice de Montréal devant un juge seul. Notons qu’il est rarissime qu’un accusé perde ainsi son droit à un procès devant jury.

Le blogue antiféministe de l’homme de 73 ans est au cœur de ce procès. En 2019, Jean-Claude Rochefort a louangé le tueur Marc Lépine dans des publications parues avant les commémorations du féminicide de masse de la Polytechnique. Dans ses écrits, il invitait les femmes à célébrer « la fête de Saint-Marc-Lépine », puis encourageait les « disciples » de Marc Lépine « à polir leur carabine ». Selon l’accusé, Marc Lépine avait « redonné de la dignité aux hommes ».

Plus de deux ans plus tard, son procès devant jury devait s’amorcer lundi matin avec la sélection du jury. Plus de 230 citoyens s’étaient ainsi présentés au palais de justice. Or, Jean-Claude Rochefort a « volontairement et de façon intentionnelle choisi de ne pas se présenter », a conclu le juge Pierre Labrie vendredi matin. « Son comportement défie l’entendement », a-t-il renchéri.

Une disposition du Code criminel permet de retirer le droit à un jury à un accusé qui a fait défaut de se présenter au procès. La défense doit alors démontrer une « excuse légitime » pour justifier l’absence de l’accusé.

« Par ces actions délibérées, M. Rochefort a contrecarré l’administration de la justice en sabotant le processus de sélection du jury. […] Le tribunal ne peut prendre à la légère un tel mépris de l’administration de la justice », a poursuivi le juge.

Au lieu de se rendre au palais de justice à 9 h 30 lundi, Jean-Claude Rochefort a préféré visiter la Caisse Desjardins pour régler des comptes. N’ayant apparemment pas un sou pour prendre un taxi, il a ensuite pris l’autobus pour se rendre à une première banque, la seule où il affirme connaître son NIP bancaire.

Avec 3000 $ en poche, l’accusé s’est ensuite rendu dans une troisième institution bancaire pour retirer d’autres fonds. Il était alors 11 h. À son arrivée au palais de justice vers midi, il a été arrêté. Les explications de Jean-Claude Rochefort n’ont visiblement pas convaincu le juge. « Le tribunal ne peut voir une simple erreur de jugement », a expliqué le juge.

En plus d’avoir bousillé la journée de 236 citoyens, Jean-Claude Rochefort a gaspillé de précieuses ressources judiciaires, en cette période de pénurie de personnel de cour, a ajouté le juge. « Il est choquant que des ressources soient utilisées pour rien alors que des salles de cour ne peuvent fonctionner faute de personnel », a souligné le juge.

À la fin du jugement, l’avocat de la défense, MRodolphe Bourgeois, a semblé remettre en question l’impartialité du juge pour la suite du procès. « Est-ce que le président du tribunal se sent à l’aise d’entendre le témoignage de l’accusé ? », a avancé MBourgeois. « Je ne vois pas de problème, le tribunal est capable de faire la part des choses », a rétorqué le juge Labrie.

MRoxane Laporte représente le ministère public.