Une fillette cubaine offerte par sa mère démunie a été exploitée comme un « jouet sexuel » pendant des années par un touriste sexuel québécois. Pour ses crimes d’une extrême répugnance, Alain Vandette a été condamné vendredi à 15 ans de détention, l’une des peines les plus sévères au Québec en cette matière.

« Ils ont utilisé l’enfant comme un objet, un jouet sexuel, sans aucune considération pour son humanité. Ils l’ont plutôt déshumanisée pour la satisfaction sexuelle du délinquant. Les actions [sont] particulièrement avilissantes », a conclu le juge Alexandre Dalmau vendredi au palais de justice de Montréal.

D’une horreur sans nom, les gestes commis par Alain Vandette à l’encontre de cette petite Cubaine sont trop choquants pour être décrits. De l’âge de 7 à 14 ans, la fillette s’est retrouvée asservie à ce pédophile à l’imagination aussi débridée que tordue. Pour ajouter à l’atrocité, la mère de la fillette a régulièrement participé aux sordides scénarios sexuels impliquant l’enfant. De retour au Québec, le pédophile de 59 ans regardait même la mère agresser l’enfant en direct.

« Le délinquant produit ce matériel à Cuba et le ramène chez lui au Canada, puis retourne en produire d’autres. Sa production est délibérée et répétée. Certaines vidéos et images montrent que l’utilisation de l’enfant à des fins sexuelles est orchestrée et mise en scène. […] On fait porter des costumes à la victime. On la place, on la dirige, on cherche un angle particulier », détaille le juge.

Le touriste sexuel s’est finalement fait pincer par les policiers québécois en 2019 à la suite d’un signalement. Les enquêteurs ont alors découvert plus de 500 vidéos et 1000 photos montrant les agressions sexuelles répétées sur la fillette. Pour en déterminer la durée, les policiers ont analysé l’évolution physique de l’enfant, jusqu’à la croissance de ses dents.

Même si elle n’a pas été entendue en cour, ni même retrouvée, cette victime est bien réelle, insiste le juge Dalmau.

Pour le Tribunal, la victime est une enfant avec un nom et un visage. Il l’a vue en vie, bouger, grandir et vieillir. Il l’a entendue parler. Le Tribunal est un témoin direct des agressions sexuelles commises par le délinquant.

Le juge Alexandre Dalmau

Précisons que depuis les années 1990, les Canadiens peuvent être jugés ici pour de tels crimes commis à l’étranger. D’ailleurs, le juge Dalmau soutient que les agissements d’Alain Vandette ont terni la réputation du Canada et constituent une « forme de colonialisme particulièrement ignoble qui doit être dénoncée ».

Une peine « raisonnable »

Quand Alain Vandette a rencontré la mère, celle-ci vivait dans l’indigence et gagnait 50 cents par jour pour laver les toilettes. Pour améliorer à peine son sort, la mère a donné, dans une « odieuse contrepartie », son enfant au pédophile québécois, selon le juge. La mère a été condamnée à 20 ans de prison à Cuba, soutient l’accusé.

Encore aujourd’hui, Alain Vandette ne fait preuve d’aucune empathie à l’égard de la victime, qui le considérait comme un « héros », selon lui. Il se pose plutôt « en sauveur » de l’enfant et de sa mère. À ses yeux, sa seule faute est d’avoir été arrêté. Une « parfaite démonstration » de l’exploitation sexuelle d’une enfant en situation de grande pauvreté, selon le juge.

Le pédophile rejette la faute sur la mère, répétant à plusieurs reprises être allé « with the flow » et avoir agi « comme un zombie ». « Non seulement il agresse sexuellement l’enfant, il se filme et se photographie en train de le faire, pour ensuite rapporter ces “souvenirs” chez lui. […] Nous sommes donc bien loin du zombie », conclut le juge.

Pour établir la peine, le juge Dalmau énumère une douzaine de facteurs aggravants et à peine trois facteurs atténuants, dont la reconnaissance partielle de culpabilité et l’absence d’antécédents judiciaires. Ce sont d’ailleurs ces rares facteurs atténuants qui permettent à Alain Vandette d’échapper à la peine maximale.

Le juge Dalmau rejette ainsi la peine de sept ans suggérée par la défense pour suivre celle de 15 ans suggérée par la Couronne, une peine « raisonnable, juste et appropriée ». Notons qu’au moment des faits, la peine maximale pour contacts sexuels et production de pornographie juvénile était de 10 ans, alors qu’elle est maintenant punissable de 14 ans de détention.

Selon le procureur de la Couronne, Me Jérôme Laflamme, cette peine est l’une des « plus sévères » imposée pour de tels crimes.

Le procureur avait d’ailleurs un message à lancer aux touristes sexuels : « À ces Canadiens qui sont tentés de commettre des crimes sexuels à l’endroit d’enfants, on va vous poursuivre et faire des procès. »